17 février 2017

Au plus fort de l'orage



J'aimerais tout dire en une seule phrase, au gré de mes pensées évanescentes…, en un long monologue intérieur à la Joyce, ça serait le monologue de Molly Colbart, parce que rien de ce que je vais dire ne rime avec rien mais que tout est dans tout et réciproquement ; en utilisant bien sûr plein de points-virgules, le truc qui fiche des boutons à certains parce qu'ils ne savent pas à quoi ça sert, avec des incises dans des tirets — et des digressions dans des parenthèses — pour témoigner par exemple de l'urticaire que me file le manège infernal du commerce omniprésent dans ma boîte à lettres, dans mes courriels, sur les sites réels ou virtuels que je visite, dans ma radio, sur ma télé extra-plate, au pied de la colonne de la Bastille (et en lumineux comme à Times square), au pied du moindre échafaudage avec un panneau pour expliquer que ça participe aux frais mais sans que baissent mes impôts, commerce encore sur mes téléphones et dans les pages des magazines que je ne lis plus ; car la pub étant un mensonge insidieux nous avons appris à nous en méfier comme nous nous méfions du vendeur de pommes — aïe moi j'adore acheter de la bouffe et les petites échoppes urbaines hélas se sont multipliées comme à New York,  j'ai vérifié c'est une stratégie des distributeurs — il faut croire que la boustifaille industrielle a encore un bel avenir mais les rapports humains ne vont pas s'arranger quand les salles de spectacle prennent le nom de chaînes d'hôtels ; heureusement on peut encore compter sur l'honnêteté des politiques, ne protestez pas et puis vous avez vu ils ont une propension à tout expliquer par le menu avec des chiffres, ça fait vachement rêver, c'est comme si on te racontait le cycle du moteur à explosion au lieu de te dire oùssqu'on va, à Florence par exemple ; il est vrai qu'avec les moteurs à trois cylindres tout est devenu compliqué et peut-être bancale un cochon n'y retrouverait pas ses louveteaux il faut s'habituer à ne plus lire le monde qu'en chiffres, à l'aune du tirage d'un livre ou du nombre d'entrées d'un film pour juger de sa qualité : j'ai entendu l'autre midi un journaliste dire que "Isabelle Huppert n'avait pas encore percé sur le marché américain", quand Samuel Beckett — autre époque — s'étonnait du succès d'En attendant Godot : "Jai dû faire trop de compromissions !" d'ailleurs je ne sais pas ce qu'il lui prend, ces temps-ci, à l'Isabelle, avec les oscars et tout, moi qui l'avais toujours trouvée exemplaire ;  à propos quand j'entends certaines nouvelles féministes réclamer des places de parkigne, des clubs de gym ou des collèges et lycées non mixtes [1] pour éviter la convoitise souvent lourdingue des mecs et qui donc posent que la meuf est par hypothèse une victime potentielle, je me dis que j'ai eu une chance inouïe dans ma vie car je n'ai jusqu'à présent rencontré sauf rares exceptions que des femmes de caractère pas vraiment susceptibles de se laisser marcher sur les harpions — ne me remerciez pas, les filles ; il faut bien que la bien pensance moralisatrice inspirée du puritanisme et de la pudibonderie anglo-truc colonise nos esprits comme elle l'a fait depuis trente ans avec l'hypercapitalisme mondialisé comme l'appelle François Bayrou qui est un dangereux gauchiste comme on sait ; on est passé du "Soyons réaliste, demandons l'impossible !" de Mai-68 à "Faut quand même pas déconner, qui c'est qui va payer ?" — en 36 les ouvriers qui voulaient être payés à rien foutre en vacances n'étaient certes pas réalistes… — d'ailleurs je suis retombé sur cette époque impie ou "travailleurs" et "patrons" étaient réputés n'avoir pas les mêmes intérêts en lisant — devinez quoi ? — un fascicule récent de Lutte Ouvrière (Nathalie Artaud en couv.), si si, ça m'a rafraîchi marxistement les neurones et rajeuni de quelques décennies : "Les travailleurs […] doivent revendiquer leur dû sans se soucier des conséquences sur la compétitivité ou sur les profits, sans se soucier des affaires de la bourgeoisie", c'est pas frais, ça, à notre époque de pinaillage ; heureusement que le sinistre clown Onc' Donald va nous faire revenir aux fondamentaux : la meuf à torcher les chiards, les profs et les étudiants porteurs d'armes à feu [2] et les basanés dans leurs souks, derrière des murs… il y a autour de moi comme une légère déprime (en attendant la Grande Dépression ?) et ce ne sont guère les pubs de France Inter qui vont m'aider à dénouer ma corde, décharger mon pistolet, remiser le rasoir ou ranger le cyanure dans l'armoire à pharmacie : grippe, frottis vaginal, sécurité routière, dégénérescence maculaire de la rétine, j'en passe et des pires… heureusement sur W9, chaîne culturelle, ils floutent les cigarettes — et devinez dans quoi ?— dans une émission sur les crimes sanglants !! quand sur FR2, on nous précise que "les cigarettes que vous verrez dans cette pièce de théâtre sont fausses, bien évidemment !" — ce qui change tout bien sûr ; la blague belge va devenir bientôt réalité : sur les bouteilles de vin (avant qu'il soit interdit) il y aura une étiquette prudente "Ouvrir de l'autre côté" ! en attendant je regarde couler le béton de nouveau partout dans mon quartier, — les pouvoirs adorent boucher le ciel — , je n'ai aucune allergie avérée mais j'ai peur d'être Hidalgo-incompatible — dernières trouvailles vachement écolos : les quais de Seine et la candidature (en anglais !) pour les J.O. ! — je me demande comment je peux trouver encore que Paris est la plus belle ville du monde et que ce pays n'est pas le pire si nos enfants s'en occupent bien, d'ailleurs à propos d'enfants je voudrais rappeler aux obsédés du sang royal que si je possède la moitié des gènes de chacun de mes parents, donc le quart de ceux de mes grands-parents [3], le huitième de mes arrière etc., il ne faut pas beaucoup de générations pour qu'il ne reste plus grand'chose, et un descendant de Henri IV n'aurait des gênes du roi galant qu'à hauteur de 0,0003808594 %, soit 3,8 dix-millièmes d'Henri de Navarre (si mes calculs sont bons et que les deux Jean-Luc — le matheux et le généalogiste — corroborent), ce qui ne permet guère de se la péter, amis héritiers ; cette époque est grandiose, moi je vous le dis, et si je savais, j'écrirais tout en une seule phrase, mais je ne crois pas que j'y arriverais.

Ayez du fun, tabernacle !

Tiens, je viens de retrouver une belle citation de René Char qui pourrait bien me servir à vous la souhaiter bonne et heureuse, avec retard mais amitié :

Au plus fort de l'orage, il y a toujours un oiseau pour nous rassurer. C'est l'oiseau inconnu. 
Il chante avant de s'envoler.

(René Char, Les Matinaux, Gallimard, 1950)



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[1] Complément d'enquête du 10 février 2017. La seule contradiction à ces positions était portée par des gros fachos machistes trumpiens !
[2] Vu avec effroi un reportage de la 2 sur ces pratiques barbares dans une grande partie de l'Etazunie profonde !

Ah Pénélope, quand tu tricotes
Ça m'asticote











4 commentaires:

  1. bravo marcel, continue comme ça , tu nous amuses, nous sommes contents complètement de foncer dans le pot aux roses qui se découvrira au printemps, inévitablement, et par conséquent, goutons dès maintenant les cacas-boudins de notre quotidien .....mais oui, vraiment, cadet-roussel est bon enfant de la patrie, innocent partageux contemporain de Gavroche et de Mimi-pinson, dans le floutage total de nos perceptions , votons cadet-roussel et tout finira en chansons

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  2. Si j'ai bien compris, ce n'est plus comme avant? Qu'importe, continue à être toi-même, ici-même, avec moi-même et quelques dames sublimes qui font bien ch... quand elles se mêlent de cuisiner, verdomm!

    "...Quand nous chanterons le temps des cerises
    Sifflera bien mieux le merle moqueur !...

    Bises!
    Martinske

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  3. Belle prose, belle syntaxe,belle indignation et bel homme...que demande le peuple( des femmes)!

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  4. Bonjour lamidevot,
    "La meuf est une victime potentielle", c'est vrai si l'on en croit les féministes qui ont obtenu, par exemple, des compartiments réservés aux femmes dans les trains de nuit.Cette information a fait l'objet d'un documentaire dans l'émission "Complément d'enquête" à laquelle tu fais allusion. Le gouvernement a pris cette mesure suite à une "étude" qui concluait que 100 % des femmes ont été ou seront harcelées et agressées dans les transports en commun au cours de leur vie. Notons que l'essentiel de ces actes est verbal et non physique et se résume à des regards concupiscents, des remarques et des injures sexistes. Or, les chercheurs du think tank Demos, de l'université du Sussex se sont intéressés aux propos misogynes sur Twitter :

    http://www.terrafemina.com/article/la-moitie-des-insultes-sexistes-sur-twitter-viennent-des-femmes_a312488/1

    Sur 10000 tweets sexistes, 12 % contiennent des menaces de viol explicites et, tenez-vous bien, 50 % de ces tweets ont été écrits par des femmes ! Ajoutons que 8 des 10 comptes les plus injurieux et abusifs à l'égard des femmes étaient tenus... par des femmes.
    Cela signifie que l’État, qui a voulu regrouper les femmes pour les protéger des hommes dans les trains, a tout faux. Nos filles, nos épouses ou (et) nos maîtresses ne sont pas plus en sécurité dans ces compartiments qu'ailleurs. Et elles y sont sans doute à la merci des lesbiennes que les "12 % de menaces de viol" pourraient bien inspirer.
    Henri

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