20 février 2014

La Vie des Mots


(tous les dessins sont de votre serviteur, sous divers pseudos)

La Vie des Mots:
Ben oui, La Mie des Veaux est une contrepétrie, serait temps de revenir aux fondamentaux !




Avertissement
Lui
— La langue est velue, c'est sa tendance naturelle, Justin ! On causait français dans la cour de Russie, d'Espagne et d'Angleterre — remember Guillaume le Conquérant ! C'est fini : le français n'est qu'un avatar de l'Histoire : à quoi sert de s'arc-bouter ?

Moi
— M'arc-bouté-je ? Je m'amuse seulement à pointer les modes et snobismes contemporains ! Beaucoup d'ajouts et de remplacements ne font qu'appauvrir la pensée, et même rendre impossible tout décalage poétique ou humoristique. Regarde tous les malentendus stupides qui nourrissent les réactions opportunistes de politiques ou d'assoces militantes : A poil la maîtresse, Droits de l'Homme et pas de la Femme ! Regarde le sort des pauvres mots Influencer, Influer, Affecter, Provoquer, Avoir pour conséquence, tous remplacés par le hideux Impacter !

Lui
— Combat perdu d'avance : on a cessé d'apprendre le français dans les écoles depuis des années, et les dictionnaires ne font plus qu'enregistrer l'usage en acceptant le moindre mot à la mode !

Moi
— J'en conviens : mais faut-il laisser aux vieilles associations réactionnaires d'extrême-dextre la défense de la Langue ? N'y a-t-il pas la place pour une analyse amusée, souple mais documentée, des usages d'icelle (de cheval) ?

Lui
— Il faut vivre avec son temps, cher Colbart : mon écran télé est en pouces et la calculette de mon smartphone met des virgules à la place des points !

Moi
— Alors c'est pour ça que la table que tu as fabriquée ne mesure que 7,2 cm de hauteur ?  
(d'un air pénétré, reprenant un de mes vieux textes :)
Les mots déchirent l'incertitude, tricotent la civilisation ; ils sont la politesse des hommes, c'est-à dire l'indispensable et le futile qui font se maintenir debout.

Lui
— ???

Allez, sourions en coin :

Le baromètre des mots et expressions
 en ce début 2014

Nouveau

Trendy, pour à la mode, tendance. Nous avons connu Up-to-date, In, (les plus anciens auront entendu Dans le vent, mais là y a prescription).

Une rigolote tendance nouvelle, justement, c'est l'utilisation échevelée du mot Expérience, dans le sens angliche d'éprouver, ressentir, expérimenter, et sûrement apportée dans un avion avec le chikungunya et l'iPhone 6 par des traducteurs trendy ou flemmards : 

Bourgogne Experience, magazine
"Musique Expérience, pôle de compétences artistiques et culturelles"…
"Comment réaliser l'expérience de la réalité augmentée" (???) — dans un bouquin en relief
Experience canyoning (Pyrénées), Rafting Expérience (Serre-Chevalier), JMB Experience, pédales d'effets (sic), Experience-Japon,
"Cloud Expérience : un espace d'échanges et de débats sur le cloud computing"
"Heritage experience, dispositif mobile de médiation du patrimoine" (French site)
Expérience et Théologie (ils ont un peu d'avance, ils sont Suisses)

Mon préféré : Migeon, l'expérience macaron !

Toujours à l'affiche

Les incontournables Impacter, Tarmac, Fachonne Ouic, A l'international, Au top, C'est chaud, En fait (surtout chez les morveux), Comme ça (surtout dans le domaine de la culture), Juste (c'est juste trop !), Eponyme, Gouvernance (qui vient de l'anglais governance depuis les années 90, qui vient du vieux françois, qui vient du latin, qui vient du grec… avant, on sait pas !), Prime-time et Access prime time, Traçabilité (employé souvent pour origine), Low cost, Feuille de route, Marquer le pas, Process

Pensée définitive d'un de nos plus grands animateurs all over the world, Julien Courbet :

— Moi, j'ai eu la chance de faire deux prime à 11 millions : j'ai fait ce que j'avais à faire ! 

En hausse

Live (le Grand Live d'Inter, Canal + Live, France 2 Live, Live psg…), Award (prix, c'est quand même vachement ringard…), Merci à vous, dit par le premier locuteur (au cas où merci tout court s'adresserait au voisin de derrière), Létal (plus chic que mortel), Mainstream, Mature ("se dit des poissons d'élevage prêts à frayer"), Procrastiner, le verbe Supporter (dans le sens sportif de soutenir), Selfie, Déconstruction, Open (je suis grave open)

En baisse

C'est clair, Mdr, Nominer, Problème (remplacé par souci), Quelque part (remplacé par A l'endroit où chez les cultureux)




Vu et entendu


Le grand foutoir dans les liaisons et ses élisions. 

De temps en temps, à vrai dire souvent, j'entends de temps en temps prononcé de tan en tan !

Quant à Quand on, il est définitivement (definitely) devenu kan on. Ce qui est rigolo, c'est qu'il me semble me souviendre que cette habitude vient des années septante, où les intellectuels en vogue cherchaient à causer "peuple" ! 

Petit à petit, on entend également de plus en plus : peti-ha-peti. Quand c'est petit, c'est gentil.

— Peti-ha-peti (Arte journal)
— Observez les ions (prononcé lè-hion) d'aluminium ! (Arte) Arrête, Lé-ion, tu me chatouilles !
— De tan en tan… (Bruno Solo)

Ah j'oubliais : beaucoup de liaisons "décalées" ou "inappropriées" (mais pas encore interdites sur Fessebouc):

— Ont répondu t'à l'appel (FR 2)
— Cinq cent mille z'exemplaires (journaliste C+). C'est vrai, quand même, y en a beaucoup !

Les zaches inspirées

— Les artères les plus z'huppées de la capitale (France Inter)
— Il a fait quoi pour endiguer cette t'hausse de prix ? (Arte)
— Sa queue avait t'heurté(France Inter)
Quellonte ! (Naguy sur France 2)
— Les personnes les plus z'harcelées (journaliste C+)
— Il ne se prenait pas pour un n'héros (France Inter)
— Plus d'un enfant sur deux est t'harcelé à l'école (FR 2)

— Les procès en n'harcèlement (A. Wizmann)
— [Ce projet]… fait t'hurler les écologistes… (JT de FR2)
— Un énorm'hangar (Capital, M6)
— L'étranger devient quelqu'un d'haï… (G. Esner, F Inter)
— Mais il reste un n'héros (l'Effet papillon, C+)
— Le Belge est t'honteux (R. Maillot)
— Dans le Pas-de-Calais et en n'Haute Normandie (Envoyé spécial, FR2)
— Une dizaine de manifestants s'est t'heurtée aux gendarmes (JT Canal)
L'hantise des chefs d'orchestre (F Inter)
— Des événements se sont produits dans ce petit t'hameau… (W9)
— Vous z'hurlez tout le temps ! (Wermus, FR3)
— Ces pratiques sont t'hors normes (Présumé innocent)
— Pour la première fois, des z'hackers… (Ali Badou, C+)

Il est vrai qu'il y a de quoi se mélanger les pinceaux avec le h aspiré (ou pas). Surtout quand on n'a jamais appris ses bizarreries. Par exemple, le héros, mais les  z'héroïnes ! Petit, je trouvais étrange que ma mère, pourtant peu cultivée, prononçât "sa hernie" et non pas "son hernie"… 
Vu la confusion, les plus pointilleux n'osent plus prononcer les z'humbles. Pourquoi pas, pour les hommes, lè-omm, et pour les huiles, lè-uil ? Saviez-vous que le h de hyène, un mot que vous utilisez tous les jours, n'est pas z'aspiré ? J'ai fondé naguère l'ADADHA (Association de Défense contre l'Amuïssement Du H Aspiré). ADADHA, parce que je trouvais l'inspiration assez Dada, et qu'en plus j'avais envie de chevaucher de nobles et fondamentales causes.
Quoiqu'il en soit, Wikipedia, encore elle, a un article très complet (ceci est un lien) sur cette incontournable question.


Panique absolue sur le relatif

Duquel, lequel, laquelle, auquel, à laquelle… C'est la panique dans les pronoms relatifs ! Os court !

— Ce sont les pays dans lequel… (un journaliste à Canal plus)
— La situation dans lequel on est (Jacques Attali, spécialiste en tout)
— C'est une amitié dans lequel… (Bruno Solo)
— C'est une situation dans lequel… (C. Allègre)
— Les musulmans avec lequel… (C. Boutin)
— C'est une courbe dans lequel…(A. Parillaud)
— Il y a trois milliards de téléspectateurs pour lequel…(un chercheur)
— La période de tests dans lequel on est… (S. July)


______
Je précise quand même que je ne passe pas mon temps à relever les fautes d'h. Mais ma collec a commencé il y a longtemps !

Panique relative sur le superlatif

Le superlatif n'est plus ce qu'il était. "Extrême" veut dire "au plus haut degré". Comment peut-on entendre :

— Et pour un frisson encore plus extrême (pub) ?
— Pour un plaisir toujours plus irrésistible (Senséo)

Je dois à l'honnêteté de dire que, si j'en crois le TLFI (dictionnaire informatisé associé au CNRS), cet usage était accepté "naguère"… en 1821, par exemple.

Confusion sur le pronominal

Très fréquente :

— Elle s'est faite choper (Jean Teulé, écrivain)

Petites perles de culture

Qui ne viennent pas en général des quidams du coin de la rue, mais des intellos, des politiques et des gens qui causent dans le poste. 


— Est-ce que ce n'est pas confusant ? (Carrère d'Encausse, FR5)
— La majestuosité (un journaliste de C+)
— Les msg sont classés dans l'ordre chronologique, du plus récent au plus ancien (Morandini ?)
— En participant à des événements originals (D. Burki, C+)
— On est passé de six millions et demi de téléchargements illégals(D. Burki)
— Zéro sucres (Coca-Cola)
— En remplissant des "quêtes"(je ne sais plus qui)
— Nous avons sécurisé notre casino, dû à différents braquages…
— Je me demande quel avenir auront-ils(un journaliste)
— Il refuse pour l'instant d'en révéler sa source (une journaliste)
— Y faudrait que vous rééquilibreriez (Sarko)
— Ce mensonge disqualifie celui qui le professe (Sarko)
— Un des plus grave accident (Envoyé spécial)
— XX, conseiller pénitencier (bandeau TF1)
— Monet a un rapport des plus paradoxals avec l'argent (Secrets d'histoire, FR2)

Les blagues qui entrent dans l'usage courant

Ça y est ! On entend maintenant couramment l'expression "à partir de dorénavant" (pléonasme plaisant à l'origine) utilisée sérieusement dans la bouche de journalistes, jeunes en général, mais pas que ! "A l'insu de son plein gré" suit la même tendance. 
Il est vrai que j'utilise moi-même, qui suis pourtant irréprochable, l'expression "retour en arrière"…

Concluons sur une question existentielle d'un grand journaliste de Canal Plus (décidément !) :

— Est-ce que ce secteur hors-piste était-il bien balisé ?





19 février 2014

L'obsession sessuelle



Depuis quelques semaines, ça remonte de partout, Lémédias n'en peuvent plus : L'Orientation sessuelle, la GPA, la PMA, l'ABCD, la RATP, la question du Genre, la Masturbation dans les maternelles, le retour des ligues catho, les Femen et la poilitude de notre bon Copé. Tout mélangé ! Je sais pas vous, mais personnellement j'ai eu un peu de mal à y retrouver mes ovaires. Et moi, j'ai le temps de creuser ! J'imagine le désarroi des spectateurs de WC 9 ! 
D'autant que s'immiscent dans le débat les féministes, les homo-sapiens, les transaminases : que penser des droits de l'HOMME si c'est une femme ou un(e) individu(te) de sexe indéterminé ? En tant que mâle (à peu près), dois-je refuser de me faire appeler UNE personne, ou encore UNE victime du raz-de-marée médiatique ? N'existois-je d'ailleurs qu'à travers mon orientation sessuelle ? Par exemple, si j'en crois les sites pornos, les Etazuniens me semblent fort obsédés par Sodome, c'est pas pour ça que… Bon bref, trêve de diversions, et trions :


(Dessins de Justin Colbart)

PMA, GMA, PMU, GTI

Je n'ai pas grand' chose à dire sur la Procréation Médicale Assistée pour les couples de même sexe, sinon qu'il y a des méthodes plus directes pour la fécondation (mais là je me fais engueuler immanquablement)… Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi un enfant désiré serait moins bien élevé par deux femmes que par une personne seule ou un couple qui se fout sur la gueule. Je dis ça, je dis rien. Pour deux hommes, c'est forcément la GPA, c'est plus compliqué, mais la circulaire du gouvernement facilitant la naturalisation des enfants nés avec cette méthode à l'étranger est un modèle de faux-culterie !

A poil, Copé !

Qu'est-ce qu'il lui arrive ? Ils sont tous comme ça, à l'Union pour un Mouvement Populaire ???



Egalité et mauvais genre

J'ai vu ou lu 15 000 débats sur la question du "genre" ou de l'égalité fille-garçon ou femme-homme". J'ai été étudier d'assez près les expérimentations pédagogiques de l'Educ' Nat' sur ce sujet, notamment le fameux ABCD de l'égalité, qui est en ligne. Résumons :

- Contrairement à la rumeur, la (ou les) Théorie(s) du genre existe(nt) vraiment… si l'on veut, car il y a un débat sémantique. Son sens d'ailleurs peut aller vers le militantisme radical. L'article de Wikipedia
est assez complet sur la question. En tout cas, les études sur la notion de "genre", c'est pas du pipeau. Et c'est évidemment une question passionnante. Mais c'est affaire de recherches en sciences sociales, et je ne sache pas qu'elles définissent, normalement, une sorte de prêt-à-porter qui conduirait automatiquement à détricoter tous nos stéréotypes…* 

- Ça tombe bien, ce n'est pas du tout (pas encore ?) le propos de l'Ecole, lorsqu'elle propose, de façon expérimentale, aux enfants de quelques établissements de "réfléchir" sur lesdits stéréotypes masculin-féminin : c'est vrai qu'au XIXe siècle, filles et garçons étaient également en robe (jusqu'à six ou sept ans pour les gars) — moi-même, j'ai porté une barboteuse, tout petit : je ne tolérerai aucun commentaire ! Une fille peut-elle jouer au rugby ? Un garçon peut-il faire de la danse ? Trop tôt ? Trop petits ? Les documents que j'ai consultés (sauf un ou deux un peu "trop") ne me paraissent pas scandaleux et sont plutôt bien foutus.

- La vraie question qui me turlute, c'est celle-là : ces fameux stéréotypes n'ont-ils pas une utilité comme repères ? Et s'ils doivent être "déconstruits", ou tout du moins interrogés, n'est-ce pas plus tard, lorsque les capacités conceptuelles de l'enfant se seront un peu développées ? Ça me fait penser aux manuels d'Histoire actuels, qui enjoignent aux gamins de réfléchir aux grandes questions posées par des événements dont ils n'ont aucune idée précise…

Bah ! Je suis ni pédagogue, ni professionnel de la profession : d'ailleurs laquelle ? Il y a un type que je n'ai pas encore entendu dire de conneries sur toutes ces questions, c'est Marcel Gauchet, philosophe et rédac' chef de la revue Le Débat, qu'on voit et entend pas mal ces temps-ci car il vient de sortir Transmettre, Apprendre (Stock, 2014).

Portez-vous bien !

L'ami dévot

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*Certains soutiennent que, plusieurs de ces gender studies étant initiées par des homosexuelles militantes, notamment Gayle Rubin et Judith Butler, dans le but de normaliser en quelque sorte leurs préférences, il y a lieu de s'interroger sur l'objectivité scientifique de leurs travaux… On peut noter cependant que des études préexistaient à leur apparition dans le débat.