31 août 2014

Ich war ein Berliner. Entre autres.




Bonjour, amis besogneux, retour au charbon : le soleil arrive !

Je ne vous cache pas qu’en dépit de l’adversité météo de cet été, j’ai quand même développé un joli bronzage, moi. 
Il est vrai que cette année, le Festival d’Avignon, 
ce fut moins "Le prince de Hombourg" que "Piscine, terrasse, ratatouille et vivaneau grillé" Passons ! 






On y danse

Sur une dizaine de spectacles vus, je retiens tout de même,  dans le Off, une troupe canadienne scotchante : Cinq visages pour Camille Brunelle et trois spectacles de Belges — encore eux décidément ! — Silence, Kohlhaas et dans le In : The Fontainhead , si l’on supporte le néerlandais pendant plus de trois heures.

En revanche, à ne louper sous aucun prétexte : l’expo de la Fondation Lambert à l’ancienne prison Sainte-Anne d’Avignon : La disparition des Lucioles, ou comment faire juter l’art contemporain dans un contexte puissant. Vous avez jusqu’au 25 novembre. Y a le tgv :








Scoutère de ouf


Sinon quoi ? J’ai perdu tous mes papiers et je me suis fait gnaquer par un clébard malheureux, ex-battu. Je compatis mais je n’ai pas encore cicatrisé. J’ai traversé une fois encore la France en biais et en scoutère, du coup je me suis gelé les endosses dans la forêt d’Orléans. J’ai été voir le MuCEM à Marseille et sa « résille » superbe de béton brillant. J’ai fait du camping à quatre pattes et du cinq-étoiles avec pantoufles, peignoir et lit maousse. Et puis j’ai visité Berlin.



Ich war ein Berliner





Berlin est plat. Berlin n’est pas ce qu’on peut appeler une belle ville, et pourtant tout le monde s’y précipite. Et s’y plaît. Berlin possède 166 musées (j’en ai visité cinq ; faites-moi penser à revenir), 60 théâtres et plein de « gestes architecturaux » contemporains culottés. Berlin est immense.





Berlin est plein de cafés et restaurants qui servent quasiment à toute heure : c’est bon, frais et pas cher (à peu près le contraire de Paris) ! On se croirait en Espagne avec tout ce monde dehors, malgré un climat assez peu méditerranéen. Le soir, dans le métro, on a vu autant de bières (ouvertes) dans la main des jeunes que de portables dans le métro parisien !






Berlin est habité par une obsession mémorielle extrêmement prégnante : Mémorial de l’Holocauste (sobre et puissant), Mémorial du Mur (instructif), Musée juif (architecture unique), Mémorial du Pont aérien (si si), pour les Homosexuels, de la Résistance allemande, contre la Guerre… Le poids de l’Histoire récente et de la culpabilité se ressent à chaque coin de rue (de multiples statues ou monuments témoignent d’un travail de « mémoire » et semblent donner des gages  de bonne volonté à l’Avenir).











L’étonnant dôme de verre et de miroirs conçu par Norman Foster qui surplombe le Reichstag offre une vue panoramique complète sur la ville. 
La Porte de Brandebourg a deux rangées de colonnes de plus que l’arc de triomphe du Carrousel, et encore plus de touristes.
Le Tiergarten est une sorte de Bois de Vincennes avec plus de cours d’eau.
Bergmannstrasse étale ses terrasses de troquets sympas et branchés dans l’axe du soleil couchant, ce qui est bien joli. Friedrichhain, Hackesche sont de vivants quartiers sympas aussi.
L’Ile aux Musées regroupe cinq musées, dont un Louvre, un Orsay, un Prado, un Musée des Monuments français (mais plutôt allemands), un Petit Palais. Pour éviter trois heures de queue, nous avons zappé le Pergamon au profit du Neues Museum, superbement revisité par David Chipperfield. Histoire de voir de près le fameux minois de Néfertiti (qui est aussi le nom d’un porte-serviettes).












L’East side Gallery (à ne pas manquer) est en réalité un morceau du Mur de 1,3 km, au bord du fleuve, peinturluré par des grapheurs très-inventifs, connus ou pas, en 89-90 (voir photos). 



Quand je pense qu’on a maintenu captif et sous surveillance tout un peuple pendant 28 ans… pour son bien, avec renfort de dispositifs joliment sophistiqués… Le très complet Musée de la RDA permet de se faire une idée de la vie à Berlin-Est et d’essayer une Trabant ! (Vous pouvez également revoir La Vie des Autres, ou Good bye Lenin)

Un mur pour enfermer un peuple ! On n’imaginerait plus ça aujourd’hui, même au Proche-Orient…

Les Berlinois semblent assumer encore un style de vie, une culture singulière, moins influencés semble-t-il que nous par les paillettes amerlocaines. Je peux me tromper. Il est vrai qu’ils parlent tous anglais et n’ont pas besoin de se la péter. En revanche, on me souffle par télé interposée que beaucoup de lieux publics se vendent allègrement au privé sans beaucoup de vergogne. Ce monde est imparfait.





J’ai essayé la currywurst, une saucisse-spécialité locale vendue à tous les coins de rue. C’est dégueu mais typique. Et puis je me suis mis à la bière. J’ai acheté des cigarettes, en paquets de… 19 cigarettes au lieu de 20 : c’est moins cher et ça évite de fumer trop, non ? 



En rentrant à Paris, j’ai été tenté pendant une demi-journée de faire comme là-bas, dis donc : ne plus traverser la rue déserte si le petit bonhomme au feu n’est pas vert. Ça m’a passé.


Tout a une fin, même l’été


Seulement en rallumant négligemment, au retour, mon écran de télé pas plat, m’a sauté aux neurones l’insondable crétinerie des programmes ordinaires, à commencer par l’info et la pub. Bien fait pour ma candeur proverbiale. 
Me voilà donc prêt pour la rentrée, avec mon nouveau cartable et mes crayons neufs.















Votre ami dévôt.

Et n’oubliez pas : 
L’artiste berlinoise adorait Lénine et peignait un peu.












20 février 2014

La Vie des Mots


(tous les dessins sont de votre serviteur, sous divers pseudos)

La Vie des Mots:
Ben oui, La Mie des Veaux est une contrepétrie, serait temps de revenir aux fondamentaux !




Avertissement
Lui
— La langue est velue, c'est sa tendance naturelle, Justin ! On causait français dans la cour de Russie, d'Espagne et d'Angleterre — remember Guillaume le Conquérant ! C'est fini : le français n'est qu'un avatar de l'Histoire : à quoi sert de s'arc-bouter ?

Moi
— M'arc-bouté-je ? Je m'amuse seulement à pointer les modes et snobismes contemporains ! Beaucoup d'ajouts et de remplacements ne font qu'appauvrir la pensée, et même rendre impossible tout décalage poétique ou humoristique. Regarde tous les malentendus stupides qui nourrissent les réactions opportunistes de politiques ou d'assoces militantes : A poil la maîtresse, Droits de l'Homme et pas de la Femme ! Regarde le sort des pauvres mots Influencer, Influer, Affecter, Provoquer, Avoir pour conséquence, tous remplacés par le hideux Impacter !

Lui
— Combat perdu d'avance : on a cessé d'apprendre le français dans les écoles depuis des années, et les dictionnaires ne font plus qu'enregistrer l'usage en acceptant le moindre mot à la mode !

Moi
— J'en conviens : mais faut-il laisser aux vieilles associations réactionnaires d'extrême-dextre la défense de la Langue ? N'y a-t-il pas la place pour une analyse amusée, souple mais documentée, des usages d'icelle (de cheval) ?

Lui
— Il faut vivre avec son temps, cher Colbart : mon écran télé est en pouces et la calculette de mon smartphone met des virgules à la place des points !

Moi
— Alors c'est pour ça que la table que tu as fabriquée ne mesure que 7,2 cm de hauteur ?  
(d'un air pénétré, reprenant un de mes vieux textes :)
Les mots déchirent l'incertitude, tricotent la civilisation ; ils sont la politesse des hommes, c'est-à dire l'indispensable et le futile qui font se maintenir debout.

Lui
— ???

Allez, sourions en coin :

Le baromètre des mots et expressions
 en ce début 2014

Nouveau

Trendy, pour à la mode, tendance. Nous avons connu Up-to-date, In, (les plus anciens auront entendu Dans le vent, mais là y a prescription).

Une rigolote tendance nouvelle, justement, c'est l'utilisation échevelée du mot Expérience, dans le sens angliche d'éprouver, ressentir, expérimenter, et sûrement apportée dans un avion avec le chikungunya et l'iPhone 6 par des traducteurs trendy ou flemmards : 

Bourgogne Experience, magazine
"Musique Expérience, pôle de compétences artistiques et culturelles"…
"Comment réaliser l'expérience de la réalité augmentée" (???) — dans un bouquin en relief
Experience canyoning (Pyrénées), Rafting Expérience (Serre-Chevalier), JMB Experience, pédales d'effets (sic), Experience-Japon,
"Cloud Expérience : un espace d'échanges et de débats sur le cloud computing"
"Heritage experience, dispositif mobile de médiation du patrimoine" (French site)
Expérience et Théologie (ils ont un peu d'avance, ils sont Suisses)

Mon préféré : Migeon, l'expérience macaron !

Toujours à l'affiche

Les incontournables Impacter, Tarmac, Fachonne Ouic, A l'international, Au top, C'est chaud, En fait (surtout chez les morveux), Comme ça (surtout dans le domaine de la culture), Juste (c'est juste trop !), Eponyme, Gouvernance (qui vient de l'anglais governance depuis les années 90, qui vient du vieux françois, qui vient du latin, qui vient du grec… avant, on sait pas !), Prime-time et Access prime time, Traçabilité (employé souvent pour origine), Low cost, Feuille de route, Marquer le pas, Process

Pensée définitive d'un de nos plus grands animateurs all over the world, Julien Courbet :

— Moi, j'ai eu la chance de faire deux prime à 11 millions : j'ai fait ce que j'avais à faire ! 

En hausse

Live (le Grand Live d'Inter, Canal + Live, France 2 Live, Live psg…), Award (prix, c'est quand même vachement ringard…), Merci à vous, dit par le premier locuteur (au cas où merci tout court s'adresserait au voisin de derrière), Létal (plus chic que mortel), Mainstream, Mature ("se dit des poissons d'élevage prêts à frayer"), Procrastiner, le verbe Supporter (dans le sens sportif de soutenir), Selfie, Déconstruction, Open (je suis grave open)

En baisse

C'est clair, Mdr, Nominer, Problème (remplacé par souci), Quelque part (remplacé par A l'endroit où chez les cultureux)




Vu et entendu


Le grand foutoir dans les liaisons et ses élisions. 

De temps en temps, à vrai dire souvent, j'entends de temps en temps prononcé de tan en tan !

Quant à Quand on, il est définitivement (definitely) devenu kan on. Ce qui est rigolo, c'est qu'il me semble me souviendre que cette habitude vient des années septante, où les intellectuels en vogue cherchaient à causer "peuple" ! 

Petit à petit, on entend également de plus en plus : peti-ha-peti. Quand c'est petit, c'est gentil.

— Peti-ha-peti (Arte journal)
— Observez les ions (prononcé lè-hion) d'aluminium ! (Arte) Arrête, Lé-ion, tu me chatouilles !
— De tan en tan… (Bruno Solo)

Ah j'oubliais : beaucoup de liaisons "décalées" ou "inappropriées" (mais pas encore interdites sur Fessebouc):

— Ont répondu t'à l'appel (FR 2)
— Cinq cent mille z'exemplaires (journaliste C+). C'est vrai, quand même, y en a beaucoup !

Les zaches inspirées

— Les artères les plus z'huppées de la capitale (France Inter)
— Il a fait quoi pour endiguer cette t'hausse de prix ? (Arte)
— Sa queue avait t'heurté(France Inter)
Quellonte ! (Naguy sur France 2)
— Les personnes les plus z'harcelées (journaliste C+)
— Il ne se prenait pas pour un n'héros (France Inter)
— Plus d'un enfant sur deux est t'harcelé à l'école (FR 2)

— Les procès en n'harcèlement (A. Wizmann)
— [Ce projet]… fait t'hurler les écologistes… (JT de FR2)
— Un énorm'hangar (Capital, M6)
— L'étranger devient quelqu'un d'haï… (G. Esner, F Inter)
— Mais il reste un n'héros (l'Effet papillon, C+)
— Le Belge est t'honteux (R. Maillot)
— Dans le Pas-de-Calais et en n'Haute Normandie (Envoyé spécial, FR2)
— Une dizaine de manifestants s'est t'heurtée aux gendarmes (JT Canal)
L'hantise des chefs d'orchestre (F Inter)
— Des événements se sont produits dans ce petit t'hameau… (W9)
— Vous z'hurlez tout le temps ! (Wermus, FR3)
— Ces pratiques sont t'hors normes (Présumé innocent)
— Pour la première fois, des z'hackers… (Ali Badou, C+)

Il est vrai qu'il y a de quoi se mélanger les pinceaux avec le h aspiré (ou pas). Surtout quand on n'a jamais appris ses bizarreries. Par exemple, le héros, mais les  z'héroïnes ! Petit, je trouvais étrange que ma mère, pourtant peu cultivée, prononçât "sa hernie" et non pas "son hernie"… 
Vu la confusion, les plus pointilleux n'osent plus prononcer les z'humbles. Pourquoi pas, pour les hommes, lè-omm, et pour les huiles, lè-uil ? Saviez-vous que le h de hyène, un mot que vous utilisez tous les jours, n'est pas z'aspiré ? J'ai fondé naguère l'ADADHA (Association de Défense contre l'Amuïssement Du H Aspiré). ADADHA, parce que je trouvais l'inspiration assez Dada, et qu'en plus j'avais envie de chevaucher de nobles et fondamentales causes.
Quoiqu'il en soit, Wikipedia, encore elle, a un article très complet (ceci est un lien) sur cette incontournable question.


Panique absolue sur le relatif

Duquel, lequel, laquelle, auquel, à laquelle… C'est la panique dans les pronoms relatifs ! Os court !

— Ce sont les pays dans lequel… (un journaliste à Canal plus)
— La situation dans lequel on est (Jacques Attali, spécialiste en tout)
— C'est une amitié dans lequel… (Bruno Solo)
— C'est une situation dans lequel… (C. Allègre)
— Les musulmans avec lequel… (C. Boutin)
— C'est une courbe dans lequel…(A. Parillaud)
— Il y a trois milliards de téléspectateurs pour lequel…(un chercheur)
— La période de tests dans lequel on est… (S. July)


______
Je précise quand même que je ne passe pas mon temps à relever les fautes d'h. Mais ma collec a commencé il y a longtemps !

Panique relative sur le superlatif

Le superlatif n'est plus ce qu'il était. "Extrême" veut dire "au plus haut degré". Comment peut-on entendre :

— Et pour un frisson encore plus extrême (pub) ?
— Pour un plaisir toujours plus irrésistible (Senséo)

Je dois à l'honnêteté de dire que, si j'en crois le TLFI (dictionnaire informatisé associé au CNRS), cet usage était accepté "naguère"… en 1821, par exemple.

Confusion sur le pronominal

Très fréquente :

— Elle s'est faite choper (Jean Teulé, écrivain)

Petites perles de culture

Qui ne viennent pas en général des quidams du coin de la rue, mais des intellos, des politiques et des gens qui causent dans le poste. 


— Est-ce que ce n'est pas confusant ? (Carrère d'Encausse, FR5)
— La majestuosité (un journaliste de C+)
— Les msg sont classés dans l'ordre chronologique, du plus récent au plus ancien (Morandini ?)
— En participant à des événements originals (D. Burki, C+)
— On est passé de six millions et demi de téléchargements illégals(D. Burki)
— Zéro sucres (Coca-Cola)
— En remplissant des "quêtes"(je ne sais plus qui)
— Nous avons sécurisé notre casino, dû à différents braquages…
— Je me demande quel avenir auront-ils(un journaliste)
— Il refuse pour l'instant d'en révéler sa source (une journaliste)
— Y faudrait que vous rééquilibreriez (Sarko)
— Ce mensonge disqualifie celui qui le professe (Sarko)
— Un des plus grave accident (Envoyé spécial)
— XX, conseiller pénitencier (bandeau TF1)
— Monet a un rapport des plus paradoxals avec l'argent (Secrets d'histoire, FR2)

Les blagues qui entrent dans l'usage courant

Ça y est ! On entend maintenant couramment l'expression "à partir de dorénavant" (pléonasme plaisant à l'origine) utilisée sérieusement dans la bouche de journalistes, jeunes en général, mais pas que ! "A l'insu de son plein gré" suit la même tendance. 
Il est vrai que j'utilise moi-même, qui suis pourtant irréprochable, l'expression "retour en arrière"…

Concluons sur une question existentielle d'un grand journaliste de Canal Plus (décidément !) :

— Est-ce que ce secteur hors-piste était-il bien balisé ?





19 février 2014

L'obsession sessuelle



Depuis quelques semaines, ça remonte de partout, Lémédias n'en peuvent plus : L'Orientation sessuelle, la GPA, la PMA, l'ABCD, la RATP, la question du Genre, la Masturbation dans les maternelles, le retour des ligues catho, les Femen et la poilitude de notre bon Copé. Tout mélangé ! Je sais pas vous, mais personnellement j'ai eu un peu de mal à y retrouver mes ovaires. Et moi, j'ai le temps de creuser ! J'imagine le désarroi des spectateurs de WC 9 ! 
D'autant que s'immiscent dans le débat les féministes, les homo-sapiens, les transaminases : que penser des droits de l'HOMME si c'est une femme ou un(e) individu(te) de sexe indéterminé ? En tant que mâle (à peu près), dois-je refuser de me faire appeler UNE personne, ou encore UNE victime du raz-de-marée médiatique ? N'existois-je d'ailleurs qu'à travers mon orientation sessuelle ? Par exemple, si j'en crois les sites pornos, les Etazuniens me semblent fort obsédés par Sodome, c'est pas pour ça que… Bon bref, trêve de diversions, et trions :


(Dessins de Justin Colbart)

PMA, GMA, PMU, GTI

Je n'ai pas grand' chose à dire sur la Procréation Médicale Assistée pour les couples de même sexe, sinon qu'il y a des méthodes plus directes pour la fécondation (mais là je me fais engueuler immanquablement)… Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi un enfant désiré serait moins bien élevé par deux femmes que par une personne seule ou un couple qui se fout sur la gueule. Je dis ça, je dis rien. Pour deux hommes, c'est forcément la GPA, c'est plus compliqué, mais la circulaire du gouvernement facilitant la naturalisation des enfants nés avec cette méthode à l'étranger est un modèle de faux-culterie !

A poil, Copé !

Qu'est-ce qu'il lui arrive ? Ils sont tous comme ça, à l'Union pour un Mouvement Populaire ???



Egalité et mauvais genre

J'ai vu ou lu 15 000 débats sur la question du "genre" ou de l'égalité fille-garçon ou femme-homme". J'ai été étudier d'assez près les expérimentations pédagogiques de l'Educ' Nat' sur ce sujet, notamment le fameux ABCD de l'égalité, qui est en ligne. Résumons :

- Contrairement à la rumeur, la (ou les) Théorie(s) du genre existe(nt) vraiment… si l'on veut, car il y a un débat sémantique. Son sens d'ailleurs peut aller vers le militantisme radical. L'article de Wikipedia
est assez complet sur la question. En tout cas, les études sur la notion de "genre", c'est pas du pipeau. Et c'est évidemment une question passionnante. Mais c'est affaire de recherches en sciences sociales, et je ne sache pas qu'elles définissent, normalement, une sorte de prêt-à-porter qui conduirait automatiquement à détricoter tous nos stéréotypes…* 

- Ça tombe bien, ce n'est pas du tout (pas encore ?) le propos de l'Ecole, lorsqu'elle propose, de façon expérimentale, aux enfants de quelques établissements de "réfléchir" sur lesdits stéréotypes masculin-féminin : c'est vrai qu'au XIXe siècle, filles et garçons étaient également en robe (jusqu'à six ou sept ans pour les gars) — moi-même, j'ai porté une barboteuse, tout petit : je ne tolérerai aucun commentaire ! Une fille peut-elle jouer au rugby ? Un garçon peut-il faire de la danse ? Trop tôt ? Trop petits ? Les documents que j'ai consultés (sauf un ou deux un peu "trop") ne me paraissent pas scandaleux et sont plutôt bien foutus.

- La vraie question qui me turlute, c'est celle-là : ces fameux stéréotypes n'ont-ils pas une utilité comme repères ? Et s'ils doivent être "déconstruits", ou tout du moins interrogés, n'est-ce pas plus tard, lorsque les capacités conceptuelles de l'enfant se seront un peu développées ? Ça me fait penser aux manuels d'Histoire actuels, qui enjoignent aux gamins de réfléchir aux grandes questions posées par des événements dont ils n'ont aucune idée précise…

Bah ! Je suis ni pédagogue, ni professionnel de la profession : d'ailleurs laquelle ? Il y a un type que je n'ai pas encore entendu dire de conneries sur toutes ces questions, c'est Marcel Gauchet, philosophe et rédac' chef de la revue Le Débat, qu'on voit et entend pas mal ces temps-ci car il vient de sortir Transmettre, Apprendre (Stock, 2014).

Portez-vous bien !

L'ami dévot

_______
*Certains soutiennent que, plusieurs de ces gender studies étant initiées par des homosexuelles militantes, notamment Gayle Rubin et Judith Butler, dans le but de normaliser en quelque sorte leurs préférences, il y a lieu de s'interroger sur l'objectivité scientifique de leurs travaux… On peut noter cependant que des études préexistaient à leur apparition dans le débat.




06 janvier 2014

Le bestœuf !


Avec toutes ces fêtes et une belle gastro, 
je n'ai même pas pu terminer à temps 
mon filet garni culturel des dernières semaines. 
Du coup je suis juste juste alors vite vite !
Au fait, bonne année !


LE COLIS DE FIN D'ANNÉE DE LA MAIRIE
5 FILMS, 1 PIÈCE, 1 LIVRE, 6 EXPOS, 
BOULETTES À LA MÛRE, BAR DU DOUBS


UN FILM
Gravity 
(C'est le cas de le dire !)

Bien sûr, il y a la jolie balade dans l'espace en relief, qui fait joliment rêver. Avec des effets spéciaux assez scotchants. Encore plus réalistes que "Arrivée d'un Train en gare de La Ciotat" (1895).
A part ça, il s'agit d'un film-catastrophe assez ordinaire, avec un cataclysme définitif toutes les trois minutes : débris dus aux vilains Russes qui explosent la quincaillerie à 3 000 à l'heure, pannes d'oxygène, pannes de batterie, incendie dans le nouveau vaisseau, effet d'inertie bizarre qui incite un des astronautes à se sacrifier façon film de guerre des années 50 : — "Laissez-moi crever, les mecs", avec une petite vanne bien sentie au passage : "Ça me rappelle une histoire…"—, je t'en passe et des pannes d'extincteur !
C'est formaté pour ados (et critiques cools ou structuralistes, apparemment*) : crac-boum à tous les étages et philosophie pas trop fatigante : La vie faut s'accrocher malgré les malheurs qu'on a subis et pis notre mère c'est quand même Gaïa avec ses grenouilles. La bande-son, j'en cause même pas.

— Je vous trouve sévère, l'Ami, quoique des Veaux !
— Allez : je sauverais quand même une superbe scène, celle où se laissant doucement renoncer, l'héroïne et docteuse Ryan (jouée par une actrice pourtant assez falote) capte la radio d'un… inuit avec ses chiens, au milieu de nulle part, Tapotez Anningaaq sur votre clavier, y a un bonus excellent sur la toile. 
Quant à Georges Clooney, que je trouvais beau car me ressemblant (comment ça ?), je trouve décidément qu'il a un trop gros menton, finalement. 
C'est peut-être la 3D ?

Au fait, si vous avez des doutes, y a un milliard de critiques qui ont trouvé le film génial.
______
*Lisez-vous les Cahiers du Cinéma ?


UN AUTRE FILM
Un Château en Italie 
(et non le Chapeau de paille d'Italie)
Valeria Bruni-Tedeschi

En général, j'aime bien le ton décalé, foufou et faussement naïf de son personnage. Et puis c'est plein d'idées marrantes (une scène de trente secondes qui résume tout un processus d'approche amoureuse, l'eau bénite dans la culotte,…) Encore une fois, la famille est convoquée : le frère (malade), la mère (la vraie), l'amant (le vrai ex, me souffle-t-on*), etc. Cette fois il s'agit du château familial. On s'agite, on veut un enfant, on court, on aime, on n'aime plus, on hésite, on pleure. Particularité : aucun sentiment n'est exprimé pour lui-même, on échange peu, ou alors sur le mode de la dérision. Pas de communication chez ces gens-là, monsieur, mais beaucoup d'hystérie. J'ai pensé aux grands frottements nerveux des corps chez Chéreau. Or notre metteuse en est paraît-il une élève. Hinhin, tout s'explique ! Mais comme dit un critique, il y a un moment où il est "difficile de ne pas être dérangé par l'impudeur dérangeante dont VBT fait preuve, même si elle accouche de scènes loufoques". 
Et cependant voilà un film extrêmement habile, virevoltant et original…
Impression mitigée, adoncques.
_______
*Louis Garrel, de la dynastie des génies Garrel : Louis, fils de Philippe, fils de Maurice !


ENCORE UN FILM
Les garçons et Guillaume, à table !
(pour les enfants et pour les raffinés)
Guillaume Gallienne

"Pour les enfants et pour les raffinés", comme disait Max Jacob** ! C'est-à-dire pas pour Pierre Murat, de Télérama, visiblement gêné aux entournures par les impudeurs de l'époque !
Galienne, c'est un mec il peut énerver, à force d'être à la mode. Seulement il a un talent certain et son film est vraiment délicieux, drôle, et même parfois bouleversant. 
Pour complaire à sa mère, le petit Guillaume se persuade qu'il est une fille et grandit, comme ça, dans l'ambigüité et l'effroi de certains membres de sa famille. Voilà. Il a pas tout compris tout de suite. Un jour, sur le divan, il comprend. Alors il nous raconte. Sur scène (comme le faisait Yolande Moreau dans La mer monte) et, par mise en abyme, rejouant cette drôle  d'enfance-là, ces drôles d'émois d'ados-là (dites-le à haute voix !), rejouant sa propre mère même, (magistralement !), mettant en scène errances et doutes.
Ce qui est remarquable, c'est l'élégance avec laquelle il a la politesse de ne pas s'apitoyer sur les souffrances. Au contraire, il nous fait rire goulûment : la classe ! La classe, même quand il nous conte un épisode scato hénaurme !
De plus, c'est bourré d'astuces de tournages fort élégantes ou originales ; et l'utilisation de la musique est remarquable !
Film culotté, déculotté, marrant, profond, et léger. Donc youpi.
_______
**A Paris sur un cheval gris
A Nevers sur un cheval vert…


UN SPECTACLE VIVANT
The Old woman, de Daniil Harms
Par Bob Wilson
(une vieille femme morte au pied de mon lit)

Daniil Harms fut un poète du désespoir gai (et absurde) du début du siècle dernier. Moi je ne le connais que depuis le début de celui-ci, ce qui n'est déjà pas mal.
Bob Wilson est un plasticien génial qui se prend pour un metteur en scène et qui y parvient depuis 45 ans ! Beaucoup moins russe que Harms (de son vrai nom Iouvatchev), Bob (de son vrai prénom Robert), qui lui, est étazunien, s'est fait connaître en France en 1971 avec l'époustouflant Regard du sourd, un spectacle de… sept heures dont Aragon a dit "Je n'ai jamais rien vu de plus beau en ce monde depuis que j'y suis né". J'y étais ! Depuis, j'ai suivi quelques créations du maître et j'étais impatient de savourer la rencontre de ces deux singuliers personnages.
Je vous la fais courte : tout est parfait… les images, la maîtrise du son et du temps, l'esprit cocasse du Ruskoff barjot revisité par l'Amerloque obsessionnel, les deux acteurs-danseurs — grands artistes par ailleurs — impeccables et efficaces… Le problème avec la perfection, c'est que parfois, justement, on aurait un peu envie que la mécanique déraille un peu, et qu'apparaisse un poil d'incertitude, un peu de vivant. J'ai vu Harms monté par des Belges, c'est vous dire l'écart.
Mais à ce niveau de qualité, on aurait tort de bouder son… Zut, j'allais sortir un cliché de critique paresseux !

Si vous voulez approcher le travail de Wilson, n'allez pas sur Wikipédia, qui sur ce coup vaut pas un pet de lapin, vous avez rendez-vous soit au Châtelet du 7 au 12 janvier, soit sur Culturebox (internet) le 7 à 18 h 20 qui retransmet EINSTEIN ON THE BEACH, une de ses œuvres importantes. Et que E = mc2 soit avec vous !


UN LIVRE
Le Quatrième mur
(Voilà : ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone)

1982. En pleine guerre du Liban, Georges, le héros de Sorj Chalendon, porté par l'idée folle d'un camarade politique, juif mais Libanais mais Grec, part à Beyrouth pour y organiser la plus improbable des utopies : monter Antigone d'Anouilh avec des acteurs de chaque camp !
Antigone sera Palestinienne, Créon chrétien, les autres druzes, chiites etc. Une heure de poésie et de répit au milieu de l'horreur.
Mais qui gagnera de la colombe ou du canon (au moment des horreurs de Sabra et Chatila) ? Devinez !
Antigone se battait pour enterrer son frère ; Georges y enterrera bien d'autres choses.
L'auteur, ancien reporter de guerre, écrit vif ; il met en place des images assez scotchantes ; il ne refuse ni émotion ni un certain lyrisme mais s'interdit l'humanisme platounet. La tragédie demeure en fil de trame. Et la poussière des sépultures éclabousse le monde. Excellent.
Prix Goncourt des Lycéens, qui est paraît-il un prix de référence. Tenez vous-le pour tenu.



UNE EXPO PHOTO
Sebastião Salgado : Génésis
Maison européenne de la Photographie
(C'est pas du power point !)

Encore un truc qui repose de certaines vaniteuses errances contemporaines, ma pauvre dame. "Des paysages, des animaux et des peuples qui ont su échapper au monde contemporain", dit le programme. Tirages noir et blanc grand format impeccables, avec un goût prononcé pour des contrastes forts, c'est puissant, superbement composé, et pourtant rien à voir avec les belles cartes postales qu'on reçoit tous les jours en pps "pour passer une belle journée et profiter de la vie" !! Regard d'hommes, paysages sublimes, ce serait comme du Arthus Bertrand avec un vrai regard qui dit quelque chose. Si vous l'avez manqué, c'est trop tard. Rattrapez-vous sur les beaux albums.


UNE EXPO ASIATIQUE
Angkor, Naissance d'un mythe : 
Louis Delaporte et le Cambodge
Musée Guimet
(Ne léviter sous aucun prétexte)
Jusqu'au 24 janvier !

Le Musée Guimet est l'un des deux ou trois plus beaux musées de Paris. Par le choix des œuvres (arts asiatiques uniquement), mais aussi par ses volumes, sa lumière et donc sa muséographie en général. L'occase pour y retourner, c'était cette expo autour d'un des premiers promoteurs des merveilles khmères (imprononçable). Il a ramené de superbes aquarelles et dessins, mais surtout des moulages fabuleux, dont on nous apprend que certains sont aujourd'hui moins corrompus que les œuvres originales ! Pour méditer, pour léviter : une expo à vous rendre bouddhique comme un samyaksambuddha. Au moins.




DEUX EXPOS PAS PHOTO
En joue ! Assemblages et tirs
Nicki de Saint-Phalle
(Avant les nanas)
Picasso, monotypes
(pas si mono que ça)

Quand j'ai envie d'aller voir quelque chose d'intéressant, je ne vais ni place des Vosges, ni place du Tertre, ni à l'Espace d'animation des Blanc-manteaux qui, décidément, s'est spécialisé dans les expos approximatives de pseudo-art pseudo-contemporain — je viens d'en faire une nouvelle malencontreuse expérience. Bon bref.
Je vais traîner mes Campers (de jolies Campers noires avec des lacets grenat) du côté de la rue de Seine et de la rue Bonaparte, où les galeries font en général un joli boulot.
Galerie Vallois, j'y ai découvert qu'outre les "tirs" et ses fameuses "nanas", Nicki de Saint-Phalle avait tricoté des assemblages fascinants en forme de haut-reliefs, à base de poupées, statuettes, plâtre et objets divers : "cœurs" et "cathédrales". Tout est bien sûr d'une joyeuseté relative, tout n'est pas passionnant, mais vous savez comment sont les artistes.
http://www.galerie-vallois.com/expositions/2013/niki-en-joue.html
Plus loin dans la rue, à la Bouquinerie de l'Institut, y avait de fort beaux dessins et monotypes de Picasso. Dans leurs états successifs, au cas où on aurait oublié de presser suffisamment le citron…
L'expo est finie mais je vous prêterai le catalogue.





UN BÂTIMENT
Les Archives Nationales
(Mayonnaise et perles de culture)

Visité l'hôtel de Soubise, siège des Archives Nationales, rue des Francs-Bourgeois. Pris de légères nausées devant les tapisseries, lustres, moulures et dorures en dégueulis, mais fasciné par l'exposition de paperasses et parchemins snobants : L'ÉDIT DE NANTES ou le SERMENT DU JEU DE PAUME eux-mêmes en personne ! Des trucs qui ont changé l'Histoire de France, à 20 cm de mes pauvres œils blasés de citoyen du XXIe siècle ! Je te passe le testament de Louis XIV, la dernière lettre de Marie-Antoinette, et un "diplôme" (acte officiel) de Charlemagne.




UN RETOUR NOSTALGIQUE
Au pavillon de Paléontologie 
du Jardin des Plantes
(Adèle Blanc-sec était en RTT)

C'est resté dans son jus, avec les squelettes de dinosaures de mon enfance, les bocaux avec des cochons à deux têtes, le craquement du parquet et le brouillard du jardin à travers les verrières ! Que du bonheur !




Allez, pour finir, je vous la fais courte sur 

DEUX DERNIERS BEAUX FILMS

The Lunchbox
(Indien vaut mieux que la bonne gamelle) 

Conte sentimental mais philosophique absolument délicieux à déguster avec deux nans au fromage.

Blue Jasmine
Woody Allen
(Mais où ai-je mis ma piscine ?)

Allez je pompe, ça ira plus vite :
"Une splendide comédie cafardeuse teintée d'amertume désenchantée" (Marianne). Splendide est un peu excessif, — pour moi c'est moins flamboyant que Cristina, etc. Barcelona —, mais la petite musique de Woody est toujours aussi magique.

Restez en éveil.