06 novembre 2013

Trompettes, poils, bonnets et bolets.




En ces temps de pluie et de douceur automnale, 
les champignons sont partout ; 
c'est le moment de se régaler de trompettes, 
girolles et autres bolets. 
Cela dit, on n'est pas dans un blog gastronomique, 
mais culturel. 
Cultivons :


La vie d'Adèle
Une histoire d'amour avec du poil autour 
(et de la morve)


Surtout de la morve, d'ailleurs, sous le museau de lapin de l'exquise Adèle Exarcopoulos…. 
Et des larmes. Car le poil se fait rare, ces temps-ci, chez les jeunes filles. Même dans le cinéma d'auteur.
Abdellatif Kechiche parle des jeunes filles comme personne — on l'avait déjà remarqué dans l'Esquive. De leurs amours toutes neuves, de leurs doutes, de leur incommensurable connerie entre copines (ni plus ni moins que les garçons, je précise).
Il a un art de capter les tremblements du vivant absolument unique. Si je voulais faire un mot facile, je dirais que ce serait comme du Lelouch qui aurait du contenu. Car les mouvements de l'âme chez Kechiche, c'est pas du shabadabadah. Ce serait plutôt le Grand Huit. Mais vu du dedans, avec les douceurs, les ferveurs, les humeurs et les palpitations. On est d'abord surpris de la crudité assumée et voyeuse des scènes d'amour. Et puis, sortant du film, on se sent comme rechargé, délivré de notre rassurante pruderie : l'amour c'est brutal, désordonné, tonitruant ; ça mouille et ça clapote, et après ça fait pleurer. Pas toujours besoin de sortir la grue à travelling et les violons. 
Kechiche, lui, il sort quand même son Marivaux, une fois de plus : "Je suis une femme. Pense-le avant de le lire", conseille le prof. 
Et puis il y a le contexte : la famille où l'on mange des huîtres, et celle où l'on fait des spaghettis bolognèse. On pourrait lui reprocher d'être schématique, mais pour qui connaît un peu le monde… D'ailleurs est-il plus important d'écrire son roman que de faire prof des écoles ? Je le trouve plutôt malin, Kechiche, sur  ce qu'on pourrait appeler le Goût des Autres, en référence à la jolie comédie des Jaoui-Bacri. Malgré quelques dialogues un peu convenus (notamment sur l'art).
Film à voir pour son culot, son érotisme, son style, et ses actrices formidables. Adèle en premier. Et il n'y aura plus qu'Eric Neuhoff, qui a perdu son cœur et qui est critique au Figaro, pour trouver qu'après tout c'est l'histoire de deux gourdiflottes de province et que les scènes sont trop longues.





Dans mon petit panier à vocabulaire

Merci à Agnès, chère copine suisse qui vient d'y déposer CONTROLLING, MOBBING, mais surtout les superbes FORTUITUDE et SÉRENDIPITÉ, nouvelles appellations (non encore avalisées par les dicos) qui font déjà un tabac dans les séminaires. 
Exemples :
— Madame Pichegru, est-ce que par fortuitude vous pourriez me peser une demi-livre de sérendipité ?
— Ah ben j'en ai pu, mon pauv'meussieur. Depuis que les avions QATARIS atterrissent sur le TARMAC (c'est France 2 et France 3 qui disent comme ça ; maintenant les avions, ils atterrissent sur les aires de stationnement !), j'ai reçu que des HASHTAGS. Ça vous ira ou s'il vous faut des DIÈSES ?
Note du blogueur : pour une fois qu'on avait un joli mot qui chantait (dièse), on a préféré la formule qui fleure l'armée teutonne ! Hashtag ! Cela dit, ce dièse n'est pas un vrai dièse, mais un signe typographique # qui veut dire "numéro". Et toc ! Quant aux Qataris, non seulement ils s'assoient sur les droits de l'Homme, mais en plus ils s'assoient sur l'orthographe ! Depuis qand ne met-on pas de u en français après un q ? 



Délation virtuelle

"Terre des Hommes" vient de se faire remarquer en piégeant des internautes avec une petite fille virtuelle qu'ils ont fabriquée. Comme ça, on peut avoir le nom et l'adresse des pédophiles qui ont mordu à l'hameçon. Je suggère d'étendre l'expérience à tous les "nolife" qui s'amusent à zigouiller dans les jeux vidéo des centaines de créatures tout aussi virtuelles sans être inquiétés. Je me propose même de faire parvenir à cette ONG les coordonnées de plusieurs de ces malencontreux, parmi les enfants de mes ami(e)s. 

Ecobonnets

Si j'ai bien compris, quelques patrons bretons ont fait reculer le gouvernement pour continuer d'avoir le droit de polluer gratuitement avec leurs camions pourris. Et ils sont devenus les héros du combat contre le grand méchant fisc ! C'est ça ou je me trompe ? Cela dit, "l'écotaxe" et la punition en général ne sont pas forcément les solutions les plus malines, même si c'est tout ce qu'ont trouvé les écolos. Mais là, quand même, je trouve que la manipulation des médias a été fort intelligemment orchestrée. Il est vrai qu'ils ne demandent que ça !

Les marchands

Il paraît qu'il faut payer, maintenant, pour regarder le moindre match de foutchebôl à la télé ? Ça ne passerait plus sur les chaînes "gratuites" ? Personnellement je n'en ai pas grand chose à taper, mais si j'étais vous, je me plaindrais. Déjà qu'en dehors d'Arte et des chaînes publiques, les films sont scandaleusement saucissonnés (mais comment ça peut-y être autorisé, ça ????), déjà que le moindre extrait sur Youtioube est précédé d'une réclame pour les yaourts, déjà que les hebdos dégueulent de pubs moches, déjà que le métro et les gares nous agressent d'écrans insupportables, déjà que ma boîte courrielle est inondée de spams… Les marchands sont déjà sur nos genoux. Et l'amour, dans tout ça ?

Zoa
Sabrina a refait sa zone au théâtre La Loge. On a beaucoup aimé le très singulier "Corps de Ballet" de Mohamed El Khatib, ainsi que l'expérience douce et forte du groupe nu de la "performeuse" Enna Chaton, "Je me sens maladroit(e)". Par ailleurs, Stéphanie Lupo ("C'est la fin") confirme son talent électrique ! (J'ai traduit les titres en français, vous me connaissez…)
On attend la prochaine Zone ; je dis pas ça par copinage, sinon je dirais rien. Préparez vos agendas pour 2014.

Et sinon, quoi de neuf, mon bon Justin ?


J'ai adoré l'expo Ron Mueck (j'avoue que je ne m'y attendais pas ! Quoi ? Subjugué par des productions hyperréalistes ?). J'ai bien aimé les expos Chagall et Braque (j'ai en tête une douzaine de purs joyaux). J'ai vu et adoré Lost in Translation (comment ça : il serait temps ? J'avais détesté Somewhere, de la petite Coppola !). J'ai adoré un spectacle d'une troupe belge, (Peeping Tom), mais c'était à la rentrée — y a prescription. Ça vient de passer à Séoul ; c'est bête, vous l'avez loupé. L'expo d'art brut "Absolument excentrique"  à l'Hôtel de Ville est Absolument remarquable. Ça repose de l'art con-ceptuel.
Je viens de passer Avenue de France, dans le 13e à Paris. Y avait un beau panorama, avec des toits et du vent. C'est foutu, Vinci et Bouygues sont passés par là : ils bouchent le ciel ! Un peu plus loin, j'ai même vu une entreprise (derrida-ienne sans doute, et diablement post-moderne) de démolition et de… "déconstruction" !
Tant pis : j'irai regarder les beaux petits poissons chez Truffaut.

Chers faux-lohoueurs de Mies et de Veaux, n'oubliez pas cependant que :

La fermière préfère la chaise aux bancs.

Votre dévot ami.







04 septembre 2013

Ce qui reste de l'été


Salut à toi, fidèle ami de la Mie tout chargé encore 
de brûlures apolliniennes, 
de souvenirs exquis des concours de t-shirts mouillés, 
de barbecues collés, de pastis, 
de boules, de balles, de bulles, de musique électronique, 
de rateaux lamentables avec la voisine de caravane, 
— non : de crépuscules exquis sur une cantate de Bach, de crapulosités sublimes sous la moustiquaire, de dauphins rieurs le long de l'étrave, d'envolées mongoles et fières ! 
Affûte tes cartables, cire tes crayons neufs, 
protège tes protège-cahiers, 
v'là le chagrin qui revient !

Mais avant la fin de l'été, sur la pla-a-geu, 
que reste-t-il de nos périples ?





1. Divertissement

Ubu chez les ploucs

En juillet, j'ai vu une fort savoureuse version d'Ubu-Roi (en hongrois !). Plus tard, j'ai emprunté moult routes et chemins fort avancés sur la question de l'emmerdement maximum. Je crois donc pouvoir restituer sans trop d'erreurs une petite clochemerlienne séance du

CONSEIL MUNICIPAL DE JOUY-SUR-YVONNE 
(OU DE CLOCHECIGRUE-SUR-MÉZIGUES, OU DE LUTÈCE-SUR-BÉBERT) :


Le Maire Ubu :
Mairdre !  
De par ma chandelle rubiconde, je crois qu'il serait temps de moderniser fissa la traversée voiturienne de ce patelin de palotins !

Ladislas, le pharmacien :
Ouaiche ouaiche  ! Je propose deux nouveaux ralentissoirs casse-burnes…

Bougrelas, le banquier du Crédit Général :
Avec bouzilleurs de directation, fissuration de ventilage et défonçoir de longes !

Bordure, le garagiste :
On trouve maintenant de très beaux modèles venus de Pologne…

Venceslas, l'instituteur :
Mais nous avons déjà concassé soixante-sept amortisseurs et trente-trois peuneux !

Stanislas, le notaire :
C'est qu'ils allaient trop vite. Certains dépassaient le 34 à l'heure !

Le Maire Ubu
Mairdre ! Alors ils méritent la Machine à Dépointer la license! Qu'on me passe le crochet à tourisses !

Ladislas, le pharmacien :
Je propose trois feux rouges ! 

Mère Ubu, femme du Maire :
Aaah… Aaah… Mmmm…

Venceslas :
Encore ? Mais nous n'avons que deux croisements ! Avec des routes qui ne mènent nulle part !

Le Maire Ubu :
Justement ! Deux stops sur la route principale ! Cinq ralentissoirs ! Trois feux rouges et des emprises fleuries au milieu d'icelle ! De par ma cire molle, nous allons être les rois à faire chier le pays tout entier ! Et l'Aragon ! Et l'Orient ! J'ai été à Paris, moi !

Mère Ubu :
Mmmm… Aaah…

Le Maire Ubu :
Ah, Mère Ubu, si tu continues à pignasser, je te mets dans la trappe à Administrés !

Ladislas :
Peauffinons avecque deux zones limitées à 30 éthylomètres à sablier ! Et houit caméras à dézapper le chaland !! 

Stanislas, le notaire :
Avec les barrières le long de la Vistule, les poteaux anti-parquage et nos sept rond-points, nous serons les Plus-plus Emmerdeurs Hénaurmes ! 
Vive le Maire Ubu ! 

Tous :
Vive le Maire Ubu !

Mère Ubu :
Arrgh !… Arrêtez, je suis à l'acmé !

(Moralité subsidiaire : Sur la mère, l'acmé)







2. Khulture

Avignon 2013

Cette année, on n'aura pas été bouleversé par le programme in. Pourtant, on a fait des pieds et des mains, pour une fois : car dès le lendemain de l'ouverture du site internet, presque tous les spectacles avaient fait le plein !! 
Sur les six que j'ai vus, j'en retiens un seul, absolument inattendu, intelligent et drôle, à ne pas rater s'il passe par chez vous : 
Germinal
Rien à voir avec Zola. Les personnages partent de rien et aboutissent au néant ! Mais entre les deux il y a toute l'histoire de l'Humanité, et en particulier de la communication. Nommer le monde, prendre des repères essentiels (par exemple : les objets qui font "ploc" et les objets qui ne font pas "ploc", et encore, ceux qui ne font "que ploc, sinon rien", "ceux qui parfois peuvent faire ploc quand même", etc.)… Le pire, c'est que c'est constamment drôle mais au fond pas du tout farfelu, car on y parle de l'apprentissage, du langage, des autres, de la peur, de l'illusion fusionnelle, de la finitude, avec ces drôles de parallélépipèdes-rectangles qui médiatisent aujourd'hui tout notre rapport à l'existant.

Pour le même prix, allez, je rajoute le spectacle d'Angelica Liddell : Ping Pang Qiu, découvert par hasard sur l'Ile de la Barthelasse, pour six fois moins cher que dans le cadre officiel : Rouge, couillu, créatif, provocateur. L'amour de la Chine ? Quelle Chine, exactement ? A un moment, les acteurs reprennent la "chorégraphie" de l'étudiant aux sacs devant les chars de la place Tien An Men en 1989. Et Angelica Liddell se met en jeu dans ce jeu de massacre…

J'allais quand même oublier Sophie Calle. Cette fois, on visitait sa chambre (avec elle dedans), à l'hôtel Mirande, avec plein de petits papiers partout qui racontaient sa vie, comme une série de nouvelles. Il est vrai que cette artiste que j'aime bien a le don de transformer en… art ce qu'elle vit !

Dans le Off, on s'attend moins à être saisi par des chocs artistiques foudroyants. Il y eut pourtant de très belles surprises. Par exemple le Sacco et Vanzetti d'Alain Guyard, mis en scène par François Bourcier, avec Dau et Catella en vrais comédiens. De la fabrication de boucs émissaires, bien commodes pour faire avaler des lois liberticides : était-ce bien dans les années 20 ?!  La mise en scène, très maline et économe, est un modèle à montrer aux apprentis-metteurs.

Et puis des Allemands au Chêne Noir : Hôtel Paradiso, création collective pour marionnettes humaines : "humour noir pour un drôle de cauchemar dans les Alpes" (programme). Savoureux et déjanté !


(Poupées d'Avignon)


(Dans une église de Paris 12e)



3. Mœurs

Les mecs et les nanas, 
ça monte et ça descend, 
vous ne trouvez pas ?

Avez-vous remarqué qu'à mesure que les jeunes gens modernes ont le futal qui leur tombe sur les burnes, découvrant la marque de leur calbute de marque, les gonzesses pendant ce temps ont la jupette de plus en plus scélérate, et grimpent sur des talons incommensurables, ce qui d'après Momo fera dans dix ans la fortune des kinés, et participe en attendant à la pouffiassisation généralisée de la gent féminine ?
Ça monte d'un côté, ça descend de l'autre : rien que de très logique, au fond.





(A Paris-plage : attention au copyright.)





Conclusion (lettrée)

Je vous souhaite la rentrée la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus digne d'envie.
Comme disait Mme de Sévigné, naturellement.

Et surtout, pour l'année prochaine :

Evitez les sites des Baux !











06 juin 2013

E viva Napoli !



7 ans déjà !
Ce journal électronique (in french : blog) a eu sept ans le 26 mars ! 
Il faut croire que j'étais encore très jeune et plein de fougue : 
le nombre de chroniques ("posts") 
s'amenuise d'année en année : 25 en 2006, 18 en 2007, (…) 
et pas grand-chose l'année dernière ! 
Il faut croire que j'ai appris à ne plus exprimer que la quintessence… 

Eh bien ! En voici une illustration :
Pas encore tout-à-fait débronzé de huit jours fort agréables à Naples et environ, je vous propose 
un court cours de napolitude







Leçon n° 1 : Ne pas se prendre pour Coppola

Après avoir écumé tous les bureaux, notre policier municipal a trouvé une personne qui savait quelques mots de français.

— Dans quelle via c'est arrivé ? 

Recherche appliquée dans le plan de la ville ouvert sur le quartier littoral… et c'est pas ça du tout, la via en question, Domenico Soriano, se trouve… juste derrière le commissariat !

— Comment étaient les personnes qui ont volé ?

On tricote une réponse en italo-anglo-franco-mime. C'est compliqué. D'autant qu'il faut préciser dans quel sens ils allaient, le numéro de la rue et la tenue des malfrats. 

J'étais pourtant en train de tourner la séquence du siècle ! Avec vroums incessants des vespas dans la ruelle pittoresque, du vrai cinoche underground avec zique contemporaine. Les bras tendus devant moi, l'iPhone 4S sur vidéo façon steadicam. A suffi d'un geste vif et habile d'un jeune passager de scoutère qui m'avait repéré et hop ! Adieu téléphone, agenda, calepin, contacts, internet, et des dizaines de belles images fraîches du Museo Archeologico Nazionale-une-vraie-merveille !!

Et nous voilà chez Courteline, dans les bureaux décrépis de la police locale. Ça dure deux heures, entre interrogatoire et déposition (in italiano ed in francese). A un moment, ils sont sept dans la pièce à échanger sur le casse du siècle. Ils ne doivent pourtant pas être rares, les vols à l'arraché dans ce quartier. Après, on attend. Un flic se lève huit fois pour taper une lettre d'une page. Un autre, pistolet à la ceinture, s'absorbe sur son iPhone : Tétris ou sudoku ?
Ils sont tous charmants, prévenants, attentifs. Au point que le traducteur nous offre un express au café du coin en s'excusant. Que peuvent-ils faire d'autre, que déployer le Grand et Inutile Rituel des Paperasses ? Nous sommes à Napoli, pas à Auteuil !
Dans la rue, un Napolitain choqué qui avait assisté au vol s'était arrêté à ma hauteur en soupirant en français : "Je suis mortifié !"







Leçon n° 2 : Voir Naples et… se faire écraser. Ou pas ?

A Naples, c'est bien simple, si tu as survécu en temps que piéton aux douze premières heures en ville, plus rien ne peut t'arriver : soit tu es resté toute la journée sur le trottoir, soit tu as pigé le système.

Fastoche, c'est tout le contraire de Paris, par exemple (je te parle même pas de Genève ou de Lausanne !) : lance-toi sans hésiter ! Mais pas n'importe comment, attention ! Tu es adulte et responsable : si le bus ou le scooter va trop vite, laisse-le passer ! Mais si le bus te voit arriver d'un bon pas, c'est lui qui ralentira ; si la bagnole veut quand même passer, elle changera de file, après klaxonnerie, bien sûr. Tout est dans la né-go-cia-tion ! Muette et instantanée. Et avec les klaxons, Naples chante ! Nuit et jour, les cornes cornent et les voitures ziguent et zaguent. Il y a très peu de feux de circulation (les véhicules s'arrêtent maintenant en général aux feux rouges principaux), moyennant quoi je n'ai jamais vu un vrai embouteillage. Bien sûr, on voit quelques tôles froissées. Mais pas tant que ça. Il doit bien y avoir quelques victimes de temps en temps, mais c'est le prix à payer, après tout, pour un trafic fluide et efficace. Non ?






Leçon n° 3 : Laver ses chaussettes et regarder en l'air.

Naples compte autant d'églises et de monuments que de feux rouges à Paris ! Tous les vingt mètres, entre deux bâtisses ornées de linge qui sèche, au milieu d'un joyeux bordel de piétons et de deux-roues véloces. Les lieux de culte, eux, sont toujours nickel-chrome (dedans), et l'on s'y agenouille encore communément comme dans les années cinquante par chez nous. Beaucoup de monuments géants : on y pourrait facilement garer des Airbus, même l'A380, je te jure. Dans la la galerie Umberto 1er ou le Musée archéologique, par exemple. D'où les deux questions qui me taraudent et que je propose à ta sagacité roublarde, fidèle et inconditionnel abonné :

1. D'où vient ce goût de l'énorme ?
2. Pourquoi tant de linge propre partout ?







Leçon n° 4 : Prendre le bus

A la notable exception de mon connard de voleur, on les a trouvés plutôt sympas, les Campaniens de Campanie (la province de Naples)… Pas forcément empathiques et souriants au premier abord (comme de vulgaires anglo-saxons), mais le plus souvent serviables. Bigots, mais sympas. Même les employés du Circumvesuvia, le petit train pratique qui emmène à Pompéi et Herculanum. Même les gardiens des sites et les serveurs de pizzas. Et surtout Emilia, la patronne de l'exquise trattoria du petit port de Sorrente (ah les poissons grillés !). Enfin j'imagine, parce que c'est sa descendance, maintenant, qui officie ! 
Sauf les vendeurs de billets de bateaux, je ne sais pas pourquoi. Sur l'île d'Ischia, la guichetière refuse, l'air revèche, de causer autre chose que l'italien. L'a pas tort, après tout : cette langue est plus sympa que l'étazunien. Pis au moins ça se prononce comme ça s'écrit ! Bien sûr, il faut veiller à appuyer sur la bonne syllabe. NApoli, GariBALdi…

En dépit d'un des taux de "motorisation" individuelle les plus élevés au monde, les moyens de transports en commun sont nombreux, efficaces et pas chers. Ça nous change.  D'où mon autre question faussement naïve :

Alors, ces Ritals du sud, sont-ils archaïques ou en avance ?! 

Et une subsidiaire :
Avec cet art de vivre, comment peut-on élire Berlusconi à trois reprises ?









Leçon n° 5 : Rester calme et humble. Voir la villa du Mépris à Capri.

Simplement, ce pays est énervant. Où que l'on aille, c'est superbe. A tout le moins, riche pour l'œil curieux. Enfin, ce que j'en connais. Mais cette fois encore, découverte émerveillée : la baie de Naples, avec le Vésuve partout, Capri, qu'est joli (et dire que c'était la ville…), Sorrente, qu'est bellement perchée sur un nàpic rocheux, et la côte amalfitaine en vertige sur les reflets d'argent, et Amalfi même, et Atrani, et Ravello, au bout du sentier escarpé, qui fait la fière avec ses hôtels cinkétoiles où je descendrai-la-prochaine-fois-parce-là-je-ne-savais-pas. Je vous conseille le Caruso, le Palumbo, ou encore le Palazzo Avino. Pour boire au bord du grand bleu un limoncello frais du jardin en oyant quelque suave musique du festival très fameux…


Allez, c'est pas tout ça ; faut que j'enfourche mon vélo dont je viens enfin de réparer le peuneu pour aller photographier St-Sulpice sous la pluie. 
Je mens : le printemps est revenu !




Et puis :

Cette vieille Napolitaine se vante d'avoir connu les plus belles roussettes de Pompéi.

(Toujours pompé (hi) dans la Bible du Contrepet, de Joël Martin, Bouquins, Robert Laffont éd.)






















11 mars 2013

Le Bon Vieux Temps !







A l'intention des tout-va-malais, 
des ça-n'a-jamais-été-plus-pireux, 
et pour éclairer le faisceau laser des jeunes générations, 
un petit tableau d'une époque révolue : 
mon bon vieux temps à moi.
Seulement Zut Alors, mais vous verrez ça plus loin…


Paname

Paris sentait la suie. Paris était noir, et je te jure, ça filait le bourdon au retour des vacances. Dans les immeubles ordinaires, l'escalier sentait le moisi. La "boîte à ordures" du logement ressemblait à une auge rectangulaire de plâtrier et restait ouverte. Les poubelles, métalliques, étaient ramassées à l'aube, à grand fracas (mais les camions n'entravaient pas la circulation en pleine journée)…
Il n'y avait pas encore un feu rouge tous les vingt mètres, mais des pavés inconfortables. Des coups de klaxons. Des prises de bec nombreuses entre conducteurs…
Les enfants braillaient dans les cours. On s'interpellait de fenêtre à fenêtre. Il ne venait à l'idée de personne d'engueuler le serrurier d'en bas pour le bruit de ses machines.
Paris était bien plus pollué qu'aujourd'hui : il n'y avait pas de pots catalytiques, les poêles à charbon et les usines crachaient une fumée âcre.
Les salles de bain étaient rares : le samedi on allait "aux douches". Le reste de la semaine, ben, on sentait la transpiration. Et plus, si affinités.
Il y avait bien moins de verdure qu'aujourd'hui, et les squares étaient sinistres…
On fumait. On fumait partout, sauf au cinéma (excepté au Grand Rex, à une époque). Les pmu étaient bleus de la fumée des gauloises et des gitanes.
La ville-lumière n'était pas encore devenue cette bonbonnière dorée, ce musée impeccable à ciel ouvert…
Et pourtant c'est ce Paris-là qu'ont chanté les poètes !
Avec une rue de Lappe suintante, un Richard-Lenoir et sa Foire à la ferraille, une Foire du Trône à la Nation, avec ses relents de frites cuites dans le saindoux (on faisait déjà des économies sur le dos du chaland, à l'époque !)

Bagnoles et cong' pay's

Dans les Arondes et plus encore les Dyna Panhard, on avait mal au cœur à cause des odeurs d'essence. La buée sur le pare-brise, les jours de pluie froide, ne disparaissait qu'avec un chiffon, dans la Dauphine. En ville, la nuit, en revanche, on n'était pas ébloui encore par les feux des autres voitures : on n'avait pas imposé les feux de croisement. D'ailleurs on disait "les codes". 
En train, on mettait neuf heures pour rallier Nice depuis Paris. Comme aujourd'hui lors d'un incident technique.
Les toilettes des cafés et restaurants étaient de "moyen-propre" à "franchement dégueu", à peu près partout dans notre beau pays.
Les petits hôtels de province étaient carrément craignos.

Rustines

Maman devait repasser ses serviettes périodiques, sans que j'en devinasse d'ailleurs l'usage, et les couches des bébés ne se jetaient pas. 
Ça commençait à ne plus beaucoup se faire, mais on reprisait encore chaussettes et pantalons, mes amis. 
A la campagne, on reprisait même les cuvettes en ferraille avec des "rustines". D'ailleurs il me souvient qu'on ne rachetait pas un vélo dès qu'il était crevé. Triste époque !

La santoche

Il existait encore des salles communes dans les hôpitaux.
L'échographie n'existait pas, alors on ne savait pas s'il fallait tricoter la layette en rose ou en bleu. 
L'IRM n'existait pas. L'endoscopie était rudimentaire. L'anesthésie restait problématique. Mais l'acide acétylsalicylique est déjà en orbite (d'ailleurs, depuis qu'il existe des saules)
La mode était alors à l'appendicectomie. Et à l'ablation des amygdales (ah ! je serais bien devenu étheromane !)

Quincaille

La radio, dont on se délectait, n'émettait qu'en modulation d'amplitude — ondes longues en particulier, sensibles aux "parasites" des mobylettes,— et le son était plutôt médiocre (à peu près comme les pubs "compressées" sur RMC ou NRJ aujourd'hui)… 
La télé durait vingt ans, mais elle se déréglait souvent… Combien de quarts d'heure passés sur les petits boutons de derrière (il paraît qu'il y avait des risques de choper des rayons X !)
Mon magnétophone portatif pesait trois kilos et demi. 
Ma Paillard-Bolex se remontait à la main ! 
Ta facture de téléphone, lorsque tu avais le téléphone (plusieurs mois d'attente) était impossible à contester ! D'ailleurs il fallait un rendez-vous spécial pour y accéder ! 
Imprimer un journal de lycée, c'était vachement artisanal et assez galère (mais la douce odeur des stencils !)… 
Pour rectifier une faute de stylo sur son cahier, on utilisait du Corector, qui bouffait en même temps les petits carreaux. Mais le buvard buvait. D'ailleurs, on disait "Ça buve !"

Boustifaille

La bouffe était peut-être moins bourrée de pesticides (encore que), mais les petits abricots jaunes farineux étaient immangeables.
Il fallait trier les lentilles et chasser l'asticot dans les cerises. Ou le boulotter.
Le poulet industriel a pué le poiscaille pendant des années. Les tomates avaient encore un peu de goût, mais pas les golden. 
Il fallait filer un pourliche au poissonnier s'il vidait le poisson (comment ça : le poisson était cinq fois moins cher ?)
La boulangère te rendait la monnaie avec les mêmes mains que celles qui avaient servi le pain (une remarque ?)
On rapportait les bouteilles de verre à la consigne (ça me rappelle un dessin de Reiser !)…
Le pinard, ah ! le Gévéor ! Le vin des rochers — le velours de l'estomac !

Zut alors !

Pan sur le bec ! L'écrit lui-même s'est chargé de distordre mon intention première. J'avais envie de remettre les pendules à l'heure, contre tous les tenants du catastrophisme ambiant, les moroses, les contempteurs de l'époque. Leur dire : voyez, ça n'a jamais été rose, y avait déjà du mercure dans les pommes, du cuivre dans les vignes et des particules néfastes dans le bois de Vincennes !
Et va savoir pourquoi, même à l'évocation d'un Paris pourri, d'un train qui se traîne, de poubelles pas belles, d'éther délétère, d'ondes trop longues ou d'astibloches dans le calendos, je n'ai pas du tout convoqué l'enfer… Tant il est vrai que tout est question de ressenti ! On me dira que les années d'enfance, que la nostalgie, que le contexte… Justement ! La pensée reste engluée, qu'on le veuille ou non, dans ce réseau d'émotions, de parti-pris, d'influences. Et puis tout est toujours plus compliqué qu'on le croit. Comme dit Edgar Morin !

La nostalgie serait donc bien ce qu'elle était ?

N'oubliez pas :

Quels bœufs !







30 janvier 2013

2013 : Pas ni pwoblem !








Bien bonjou tou moun ! 
(i vlé palé kréyol !)

J'avais pwomis une chronique débawassée 
de mon habituelle atwabile ! 
Retour des Iles, — solèy, dauphins, homa péyi, acras et ti-punchs —, ce sera plus facile.
Tan-la pas bel à Paris (le temps n'est pas extraordinairement favorable, en la capitale, aux points de vue optimistes), 
mais pwomis c'est pwomis.

Quelles raisons, Justin, y aurait-il à se réjouir en cette sinistre époque, quand le moral des Français frise le zéro absolu 
(- 273,1499999999°C) ? 


Gérard Depardieu, acteur génial et beauf pathétique (encore que ses camarades évadés fiscaux ont en plus la roublardise d'être discrets) m'a énervé les neurones.


J'ai trouvé dix raisons personnelles de cueillir en ce début d'an quelques joyeuses bananes à s'accrocher sur le bec :
Complaisance niaiseuse du crétin satisfait ? A vous de juger : 

Cocoricos :
Une banane pour le bois de Vincennes
Chaque début et fin d'été, je pose mes exigeantes fesses sur les chaises en plastique du Parc Floral au bois de Vincennes, et je m'y régale pour 5,50 € des trilles des plus fabuleux musiciens (jazz et classique) au milieu des oiseaux ; des artistes qu'on retrouve à Marciac (au milieu du foie gras) pour 5 à 7 fois plus cher…

Une banane pour les festivals
D'ailleurs, y a aussi le charme irremplaçable du festival d'Avignon, avec ses expérimentations improbables, ses terrasses et ses petites gonzesses rue des Teinturiers. Chalon, Aurillac, Vienne, La Rochelle, Bourges, Royaumont, La Charité sur Loire, etc. : dans quel pays y a-t-il autant d'offres culturelles, comme je me disais un jour de retour de (chut ! restons positifs !) ?

Une banane pour Paris
… que je ne cesse de découvrir et de redécouvrir avec émerveillement malgré six décennies et 32 paires de semelles !

Une banane pour le système de santé
Il y a deux ans et quelque, on m'a posé un petit ressort dans les coronaires. Une intervention qui coûte un demi-bras (mon bras, d'ailleurs, je l'ai cassé quand même un peu plus tard mais bref). Eh bien j'ai dû sortir de ma poche… 18 euros. Mon œil de verre pour la cataracte du Nil, pareil. Je ne compte pas mes cotises à ma mutu, certes. Je dis ça, je dis rien.

Une banane pour les maths
La médaille Fields : il paraît que c'est le prix Nobel des mathématiques. Eh bien les Français sont deuze en nombre de médailles (11) après les Etazuniens (12) !!

Une banane pour le cinoche
Je suis pas un grand fana des poursuites en bagnoles ni des règlements de compte sévèrement burnés. En dépit du forcing marchand et culturel des Amerlocains, le cinéma français est l'un des rares encore, grâce à un système astucieux de redistribution, à bouger encore, pour le meilleur, pour le pire, et pour l'entre-les-deux !

Une banane pour le cassoulet
… mais aussi le bœuf bourguignon, le gratin dauphinois, les tripes à la mode de Caen, la tartiflette et la soupe au pistou. 
Je n'oublie pas la vichyssoise d'asperges à l'anis vert, la roulade de foie gras en gelée d'airelles, le chaperon aux agrumes et à la truffe blanche…
Le beaufort, le (vrai) calendos, le roquefort, le crottin de chavignol, l'époisses, le vacherin…
L'Hermitage, le pomerol, le pauillac, le St-Julien, le moulis, le pouilly fumé, le gewurztraminer…

Une banane pour les grosse boîtes
Aïe : voilà une liste de réussites économiques mondiales qui ressemble à une dénonciation anticapitaliste :
Vivendi, EDF, Total, Axa, BNP Paribas, L'Oréal, Carrefour, LVMH, PPR, Publicis, St Gobain, Vinci, Bouygues, Alstom, La Poste…
"Certains de ces champions sont issus du secteur public" (infos : Marianne n° 818)

Bananes sans frontières :
Une banane pour l'avion
… qui me fait toujours un peu flipper mais qui m'enchante (ah le ronronnement feutré des moteurs, les petits "tim" des voyants pour la ceinture, le survol muet de villages illuminés au milieu de contrées improbables, la nuit, l'œil sur le hublot !)… Ce truc qui t'emmène de l'autre côté du monde, là où tu as les pieds en l'air et où tu ne trouves plus la Grande Ourse !

Une banane pour la toile
Nous en rêvions, petits, d'une banque de données universelle où l'on pourrait, très vite, surfer sur tous les savoirs du monde, et visiter le musée du Prado ou la théorie quantique sans quitter son fauteuil ! En plus, on peut acheter des billets, lire tout Diderot et écouter La Passion selon St Jean (ou Olivia Ruiz…) !

Quelques peaux de bananes (on ne se refait pas)
Pour MacDo, qui vient de réinventer… le casse-croûte ! Si si ! Avec de la baguette ! Bien sûr, le poulet est en tranches rondes, mais il ne faut pas désespérer…
Pour le préfet d'Ile-de-France, qui va sauver la planète en… interdisant le feu dans la cheminée ! Progrès considérable !

Mais alors, l'Allemagne, c'est-y pas mieux ?
"[…] Vous avez tort de l'ériger en modèle ! C'est à l'Allemagne de prendre modèle sur la France ! Chez nous, aucun plaisir, aucune jouissance de la vie : trois restaurants corrects à Berlin et pas un en province ! Et la dépression partout ! Les chiffres qu'on vous donne sur notre prétendue vitalité économique sont souvent falsifiés ou comptabilisés différemment […] Dans cinq ans, l'Allemagne va s'effondrer. La pauvreté est partout, et le chômage…"

Thomas Ostermeier, metteur-en-scène, co-directeur de la Schaubühne de Berlin.
Interviewé par Télérama (n° 2384)
Son remarquable "Ennemi du Peuple" d'Ibsen est déjà complet au TNP de Villeurbanne


Quand je vous disais qu'on n'avait pas de waisons de se mettwe la wate au court-bouillon !

Bonne année, et que mille bananes fleuwissent en votwe jawdin !

L'ami Zantwop