05 mai 2010

Il nous faudrait une bonne guerre !
























Salle Montmartre

Le service de gérontologie


Dans le bâtiment "Opéra", on dirait qu'il n'y a pas un chat.

Une femme s'égosille d'un ton de harpie au bout du couloir ? Non : c'est la voix de l'ascenseur double. "Rez-de-chaussée supérieur". "Entrez ! Entrez !"

La cabine est énorme, tout de tôle brillante et inoxydable.

Au troisième étage (salle Montmartre), cela sent un peu le vieux, une lointaine odeur d'urine, ou de soupe. C'est propre, neuf, avec un lino granité dans les bleus. Au hasard, j'arpente le large couloir qui tourne le long des grandes baies vitrées ; à force de visiter tous les hôpitaux de Paris, j'ai renoncé depuis longtemps à chercher un hypothétique bureau d'accueil qui m'indiquerait le chemin.

Les chambres sont ouvertes sur des visages hagards ; bouches béantes, visages renversés, trop renversés, de vieilles qui dorment. On m'interpelle : "Monsieur ! Monsieur !", mais comme ce n'est pas moi qui apporte le bassin, les couches ou les repas, je me contente d'un sourire. Un jeune vieillard courbé sur sa canne pointe son nez devant chaque chambre et me demande d'enlever son bracelet en plastique. Un autre jour, il s'est plaint de la raréfaction des concerts, puis s'est réjouit de la multiplication des… victoires. Il y a le monsieur en costume marron, qui passe son temps assis devant l'ascenseur à ne rien faire.

Maman est là, plus loin, paisible. Sa voisine n'en finit pas de se pencher pour ramasser le gobelet qu'elle vient de faire tomber, et chaque geste lui impose une stratégie complexe pour garder l'équilibre. Plus tard, elle rampe sur son lit pour tirer sur un fil. Je vais à son secours, mais il n'y a rien de coincé ! Le fil du téléphone est à sa place, comme il faut ! Alors, elle avise l'autre fil, celui qui fait des spirales. "Ça ne fait rien, je demanderai. Il sera là à neuf heures…"

Je la reconnais ! Il y a dix ans, j'ai commencé un roman que je ne finirai probablement qu'en 2045 : je la reconnais ! C'est madame Armelle, mon héroïne ! Celle qui tombe dans le trou d'un vieux chiotte au fond du jardin et qui met un siècle pour atterrir !

On entend la télé qui graillonne dans la chambre d'à côté, devant deux femmes indifférentes. Une aide-soignante ou une infirmière passe de temps en temps. Des rais de soleil se faufilent le long de la salle de kiné. Les murs sont jaune pâle et les armoires de ce bleu qu'on trouve dans tous les établissements hospitaliers. C'est immensément reposant. Intensément, irrépressiblement, oppressivement, définitivement reposant.






ONFRAY… tout pour se faire remarquer !

Michel et Sigmund sont dans un bateau


Je me souviens… A 20 ans, j'avais commencé par les "Lettres d'introduction à la Psychanalyse" et j'avais été frappé, je l'avoue, par la logique assez élastique et même bizarroïde de Freud. En d'autres termes, je me demandais comment il pouvait conclure que si 2 et 2 font 4, 2 et 3 pouvaient donc faire 12 ! Freud me semblait donc contestable, et je ne me gênais pas de le contester. J'étais jeune, il est vrai, et je ne connaissais rien de la vie. Encore moins de l'âme humaine.

Plus tard, j'ai fréquenté les thérapies qui découlaient de la théorie psychanalytique. Par Reich et Lowen interposés. Comme j'ai beaucoup pleuré et vomi, je me suis dit que quelque chose se passait. Et j'ai commencé à me voir en face : à cette époque, j'avais des ailes, dis donc ! Ce fut secouant et excitant. Je créais mieux et ma libido débordait !

Jusqu'au jour où les exercices de stress musculaire et autres "décharges émotionnelles" ne me contentaient plus ; il fallait que je creuse ; et puis j'avais besoin d'être rassuré par un substrat théorique un peu plus costaud. C'est là que j'ai commencé à fréquenter Sigmund. Quelques années sur le divan plus tard, je ne suis toujours pas guéri, mais je connais bien mieux mes "maladies". Et il me semble que suis moins dupe, un peu moins dupe, de moi-même !

Ça, c'est un truc qui énerve Michel Onfray, philosophe normand sinistre (hem ! Je veux dire "de gauche") mais hédoniste, dit-il : tout ça pour ça, s'exclame-t-il ?


Le voilà donc, l'Onfray, grattant dans les écrits, pourchassant le détail qui tue dans la vie de Freud, pour démontrer qu'au fond, comme Freud voulait être riche et célèbre, il a passé son temps à tricher. Du coup, l'inconscient n'existe pas.


Freud a fait comme médecin des erreurs de diagnostic, il a pris de la cocaïne et probablement niqué sa belle-sœur : du coup, l'inconscient n'existe pas.


Freud n'a pas compris grand chose aux femmes (le "continent noir") et il avait les préjugés de son époque : du coup, les rêves ne disent rien sur notre activité psychique et nos désirs.


Freud n'aimait pas Marx : du coup, la psychanalyse est bidon.


Etc.


On pourrait arguer que Picasso a fait souffrir bien des femmes ; que Céline était antisémite ; que Heidegger et Karajan avaient de mauvaises fréquentations ; que Hegel, Kant, Hugo et Voltaire méprisaient les Africains… et que donc, leurs œuvres sont à jeter…


On pourrait arguer que si la psychanalyse à un effet placebo, comme le reconnaît Onfray, c'est bien qu'elle travaille quelque chose !


Ou encore, comme le font certains, que s'attaquant à une idole, il révèle ses propres obsessions (trop facile !)…


Sensible à ce thème, je m'étais rué sur son "Traité d'Athéologie" en 2005… Hélas ! A force de ne développer que des arguments qui vont dans le même sens, l'analyse n'a plus guère d'intérêt !


Cela ne veut pas dire que le sujet est tabou. Les religieux de la Cause n'ont pas à pousser des cris d'orfraie en criant au crime de lèse-majesté ! Seulement Onfray ignore superbement l'œuvre de tous ceux qui ont fait évoluer la théorie.


Si vous voulez tout savoir…

Eléments du débat :


La thèse d'Onfray sur son site (voir l'article : "Les patients, c'est de la racaille", du mardi 20 avril)

Lien vers l'article superbe de l'Huma

Le Monde

Et encore ceci


Pour les courageux, l'excellent article de Roudinesco.



























Et sinon, m'sieur Colbart ?


Démagogie

Loi sur la suppression des allocs en cas d'absentéisme, burka… : Sarko se livre ouvertement à du racolage sur la voie publique. La loi a dû être supprimée sans qu'on le sache ! Moi, sur la burka-niqab-voile intégral, j'ai mon opinion : c'est pas poli. On devrait d'ailleurs interdire également les vitres fumées des bagnoles et les gens qui te parlent sans enlever leurs lunettes de soleil et en gardant leur chewing-gum. Mais est-ce que ça piquerait des voix au Front National ?


Avatar

Comme Régis Debray considérait, sur le site d'Arrêt sur Images, que ce film faisait événement, je suis allé le voir, et en 3 D tant qu'à faire.

J'ai rêvé de rêver à Pandora la nuit et de voler comme le héros (qui n'est d'ailleurs un gentil héros que s'il devient… le plus fort des guerriers, bon bref !), j'ai pris du plaisir et je ne me suis pas ennuyé ; je trouve la morale du film gentiment généreuse, comme d'ailleurs plein d'autres films du même acabit (j'avais quand même préféré "Danse avec les Loups", moins manichéen et plus profond), mais de là à délirer sur la portée mythique et philosophique d'Avatar… Faut-il vraiment convoquer le Cantique des Cantiques, la mythologie grecque ou les hérésies chrétiennes pour expliquer le succès du film ? Lorsque tous les ingrédients et ficelles du récit hollywoodien sont au rendez-vous : les bons et les méchants, l'histoire d'amour qui commence par une engueulade, les belles images de la forêt qui scintille etc., les interminables scènes d'action qui excitent les gamins (mais pourquoi faut-il absolument deux cents avions et un million de balles pour exprimer en amerlocain la dureté de la guerre ??) !

Quand la grande machine à vendre nous a arrosés depuis des lustres pour annoncer l"'événement" ?



Liberté, égalité

8% d'impôts en moyenne pour les entreprises du CAC 40, 30 % pour les autres, comme les PME : la redistribution avance ! (mais tout ça, explique-t-on, c'est à cause de la mondialisation !)


Conclusion

Tout le monde se morfond ; on se bouffe la rate ; on est pas content ; on trouve plus de boulot ; la bourse chute. Des économistes ainsi que certains analystes l'ont déjà dit : il nous faudrait une bonne guerre. Merde, ça serait pas bon pour le CO2.


P. S. : J'ai lu le Quai de Ouistreham, de Florence Aubenas. Glaçant. Devrait être obligatoire dans les écoles. En plus, elle écrit bien !


Pourquoi faire la révolution ?

Le peuple est contre !



Merci à m'sieur Brito, à qui j'ai piqué le premier dessin.