14 mars 2009

Sex toys, Lorenzaccio, médiane et communautés




















Ah ! Si je prenais le temps de faire une vraie chronique, cette fois, j'en aurais, des sujets qui m'ont agité les neurones et le reste !

Paresse
Par exemple, la notion de "travail" (une denrée qui se fait rare, ces temps-ci, paraît-il) : ça commence où, le "travail" ? Quand je perçois une rémunération ? Par exemple, un jardinier à la ville de Paris (c'était le métier de mon père) "travaille". Donc, quand tu bêches dans ton potager, ça compte pour du beurre ? Dit-on que je travaille si ce que je fais est pénible (par exemple chanteur, romancier, fleuriste, auteur de blog) ?
Si vous êtes un travailleur intelligent qui "performe", jetez un œil à "l'essai de psychanalyse appliquée" de Catherine Blondel "Quand le travail fait symptôme" (Vis-à-vis éditions). Spécial copinage. J'ai toujours évité d'avoir un potager, personnellement.

Pas de perspective
Si je prenais le temps de faire une vraie chronique, sans doute parlerais-je de Lorenzaccio, tragédie du désenchantement, à Aubervilliers, jouée avec une énergie et une créativité revigorantes par une bande de surdoués (surtout les acteurs mâles, pour une fois)… Et pis : un drame romantique monté de façon brechtienne, c'est culotté. Trop tard, mais pour les autres créations de Gwénaël Morin, c'est aux Laboratoires d'Aubervilliers et c'est gratuit. Renseignez-vous.

Sex toys
Peut-être évoquerais-je à mots couverts une chorégraphie bien singulière vue au Dansoir de Karine Saporta, superbe yourte au pied de la BNF à Paris. Qu'est-ce qu'induit dans l'énergie des corps et leur dessin l'intromission bienencontreuse d'un godemichet ? Ça s'appelle "Pâquerette", c'est tout sauf pornographique, et je crois que le spectacle continue de tourner. Renseignez-vous. Si vous avez internet, naturellement.

Crise des sub-présidents
Si je prenais le temps de faire une vraie chronique, je me demanderais avec une mauvaise foi certaine comment il se peut que le petit Nicolas, s'étant clairement prononcé pour les prêts hypothécaires "comme les Américains et les Anglais" (14 sept 2006), s'étonne que les 5 % de chômeurs promis pour 2010 (discours du 20 août 2006) seraient probablement un peu plus nombreux ? Et pourquoi ce prophète du marché libre et décomplexé peut-il être devenu un apôtre d'une certaine régulation ?

La médiane, c'est moi
Tiens, puisqu'on parle de pourcentages et de chiffres… Nos journaux en sont pleins. Mais détrompez-moi si je me plante : 1 % de décroissance, c'est grave, et pourtant le PIB a augmenté (en volume) de 9 % au total pendant les six ans qui précèdent ?? (d'après les chiffres du site de l'Insee). Quant aux moyennes,… Dans ma famille, on a une moyenne de 51 ans (en comptant le petit-fils, qu'a dix mois). Ou 40,7 ans, si je compte pas ma mère. Quant à la médiane, qui est une valeur plus pertinente… Merde, c'est moi. On n'est pas jeunes, dans ma famille. Tout ça ne veut rien dire.

Je vieillirai donc
Coup de blues en fréquentant ces temps-ci un service de gériatrie. Alors c'est vrai, nous aussi on va vieillir ? Ça scandalise l'enfant qui est au fond de moi et plus encore l'homme en pleine force de l'âge qui se croyait vert toujours, et ardent à jamais. Un de mes personnages le disait pourtant en 99 (dans une pièce de théâtre trop méconnue) :
"Je vieillirai donc. J'aurai de plus en plus mal aux jambes. Ma peau s'allongera. J'aurai du papier à musique dessiné sur le cou, des parenthèses sous les oreilles, des soupirs autour des yeux. Des taches brunes sur les mains : do mi sol do… Je n'entendrai plus les notes aiguës. Je verrai de plus en plus blanc. Je rapetisserai. Et puis un jour je ne reconnaîtrai plus les gens.
Quel souvenir gardera-t-on de moi ? Celui de la petite fille cueillant des fraises sauvages, de l'ado boutonneuse ou de la vieille cacochyme ?… Nous aurons été si nombreuses !"
Mais un jour, quand j'aurais le courage de faire une vraie chronique, je parlerai du recul bénéfique que donne l'âge mûr sur l'inconstance des hommes…

Hier ist kein warum
Vous l'avez lu, sans doute. J'ai enfin terminé un livre dont la lecture devrait être obligatoire ! Sur un sujet qui pourtant m'archi-gave à force d'être ressassé et porté comme le drapeau universel de la mauvaise conscience. Une autobiographie sobre et simple, mais qui contient et interroge les méandres de l'âme humaine. Car tout y est : la noirceur, le mensonge, la cruauté, la bêtise, le courage et l'humour. Sans leçon définitive. Tout y est "questionné", comme on dit aujourd'hui, à commencer par "C'est quoi, un homme ?" Ça commence où, si l'on peut le réduire à une loque, une ombre, un nombre, et qu'il peut malgré ça parfois renaître en lui-même ? "Hier ist kein warum" : ici, il n'y a pas de pourquoi, se disent-ils dans le camp. Voyage au bout de ténèbres accompagné par quelqu'un qui connaît la musique et pour cause, il y a vécu… et miraculeusement survécu. Si vous voulez éviter le énième "thema" d'Arte ou la 6729e émission de France-Culture sur le sujet, lisez plutôt "Si c'est un homme" de Primo Levi. Vous saurez tout sur l'horreur des camps, la solution finale, la conscience soudaine de la "judéité", et vous aurez tout compris.

Giulio Einaudi édit., 1958
Julliard pour la trad. française, 1987
(et sans doute édité en poche)


Communautés
A propos "d'appartenance", aujourd'hui dans not'beau pays, Guy Konopnicki vient de publier un bouquin où, lassé que les uns ou les autres ne puissent plus être définis que par leur supposée religion et même "définis" tout court — "jeune", "gay", "juif", "arabe", "black", il revendique "le droit d'être un citoyen banal" dans un pays laïque et républicain. Spécial copinage : "La banalité du bien, Contre le culte des différences", Editions Hugo & Cie.

La législatite
Tiens, on a perdu des mots, ces temps-ci : Education, Sensibilisation, Ouverture, Responsabilité. Ils ont été remplacés par Interdiction, Répression, Punition (voir> Législation). C'est vrai que ça commençait à bien faire et fallait réagir, tout de même : Tabac, alcool, sécurité routière, obésité, piscines, crise, voies Sncf, traçabilité alimentaire, téléchargement, lait cru, droit à l'image, pensée incorrecte, bruits et odeurs : nous sommes cernés !
Vivement le Grand Guide ! Qu'il n'oublie pas le danger du verre de vin, récemment démontré par l'Académie.
D'une respectable ancienne militante plus qu'octogénaire rencontrée l'autre soir : "Cette époque me fait penser aux années 37-38…" Ça exagère toujours, les vieux.

Fashion style
Je suis devenu régionaliste en regardant l'émission culturelle de référence sur M6, la Nouvelle Star. La plupart des candidats choisissent une chanson en anglais. Pourtant, l'espagnol ou le russe, c'est beau ! Mais depuis que le monde est devenu mondial — On fait un nouveau take pour ta voice-over, coco, pis je fais un fading — je ne vais pas défiler sous la ringarde banderole "Causons la France", quand même !
Il faudra que j'en cause à J-Pierre Pernot :
– Dans la région de l'Ouest-monde, une petite peuplade continue de façon charmante à employer des expressions désuètes, comme "en direct", "influence" ou "chef d'équipe" – entendez "live", "impact" et "manager". A l'heure de la mondialisation, cette charmante tradition mérite d'être saluée.
Et je pourrais dire avec Sarkozy : "Je signe la déclaration des pays orientals" (sic) (Bxl, 01/03/09) !! Je sens que Julien va encore me traiter de vieux croûton.

Si je prenais le temps
Enfin, si je prenais le temps de faire une vraie chronique, j'évoquerais le très beau film de Desplechins, que j'avais manqué à sa sortie, "Conte de Noël", pétillant d'intelligence, remarquablement servi par des acteurs impeccablement dirigés (Deneuve, Poupaud, Roussillon)… J'évoquerais l'incontournable Agnès Varda : "Les Plages d'Agnès", pour savoir ce que "cinématographe" (comme l'appelait Bresson) veut dire !! En revanche, je dirais que vraiment, je n'avais pas envie de donner 26 millions d'euros à Dany Boon, non à cause de ses Ch'tis, qui sont bien rigolos, mais parce que décidément ce monde marche sur la tête quand la répartition des gains est ainsi faite !

Et j'ajouterais :
Chouette ! Avec la crise, les Français consomment moins, du coup les magasins et les restaus sont vides ! J'y cours ! Merci la télé !

Au fait
Depuis le temps qu'on est censé le chercher, que devient Ben Laden ?

"La télé, c'est un travail plutôt pour les vieux, je trouve".

"J'aime bien les grèves. Ça me rappelle quand j'avais du boulot".

(Brèves de comptoir, tome 5, J-M Gourio)

P.S. NOUVEAU ! Il y a des très courts métrages de Justin Colbart sur Dailymotion :
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