21 décembre 2023

Le privilège de l'âge

 


"Celle qui fut la Belle Heaulmière", de Rodin.
Une méditation sur le temps qui passe, non ?


« L’époque a changé ! », 

entends-je chaque jour 

dans le poste

(comme on disait 

avant que l’époque ait changé !)


Ça veut dire attention

Il n’est pas question de penser autrement que « l’époque »

Car l’époque a forcément raison


Nos intellectuels, nos journalistes, nos politiques ne veulent pas être largués

Ni par la quatrième dimension (le temps)

Non plus que par les trois premières, car n’est-ce pas, 

« La plupart des autres pays d’Europe le font » (par exemple)

—preuve indéniable de pertinence et d’efficacité !


J’ajouterai, perfide que je suis

Que si les « Américains » le pensent

Alors, la messe est dite.  


L’époque a changé

Il faut vivre avec son époque

Vieilles antiennes

D’ailleurs comment faire autrement ? Je cherchais un fiacre pour aller à vêpres 

hier vers quatre heures un quart

et n’en ai point trouvé. J’en fus fort marri.


Et voilà pourquoi votre fille est muette

(et harcelée naturellement).


Le privilège de l’âge

C’est de voir défiler tant de modes de pensée

et de comportements

qui conduisent à se retrouver dans une époque et un environnement

étrangers à ce que l’on fut et ce qu’on avait envie de défendre !


Les plus souples ou les plus serviles continuent de se plier au mouvement

par conviction ou pour complaire à l’air du temps

Certains se crispent et deviennent réacs


Les plus philosophes comme me voilà

comptent les points !…


Fais pas ci, fais pas ça

Il y eut des époques

Où l’on ne mangeait pas pour se soigner

En comptant les lipides, les glucides et tout le saint-frusquin

(saints-frusquins et légumes par jour !)

Non ! l’on mangeait pour se sustenter, certes

Mais surtout, en France notamment,

Pour le plaisir et la convivialité


Il y eut même des chansons à boire

Non mais vous imaginez ça ?

Epoques obscures !


Révisionnisme

Il y eut des époques où l’on croyait au progrès de la raison et du savoir

Et ce n’était pas pour ignorer les erreurs du passé

Ni refaire l’Histoire sans la remettre à sa place


Sexe

Il y eut des époques où l’on cachait la nudité des statues

Celle-là nous dit quelque chose


Mais il y eut aussi des époques où l’on eut envie de désacraliser le sexe

Pétrifié dans la gangue de la pudibonderie religieuse et hypocrite

Le sexe était joyeux et libérateur


Aujourd’hui quand on en parle

C’est le plus souvent pour l’associer à l’abus, l’agression

Au viol parce que le sexe a repris quelque part la place du diable

Et l’on sait bien que derrière cela il y a encore et toujours

Le péché !


Le corps

Il y eut des époques où la gifle ordinaire 

avait moins d’importance que l’humiliation verbale

Je ne défends pas la gifle.


Il y eut des époques où l’on ne confondait pas 

un viol et une réflexion déplacée


Lexiquement correct

Il y eut des époques où l’on appelait un chat un chat

Et où dire un nain ou un Noir n’était pas forcément stigmatiser


Où l’on ne savait pas encore que rajouter des « e » avec des petits points 

allaient réparer les injustices du monde


Identités

Il y eut des époques (utopiques !) 

où l’on espérait vivre entre humains dans l’harmonie et le mélange

On appelait ça l’universalisme républicain

L’assignation à résidence identitaire des « minorités » (comme ils les appellent)

n’était pas encore arrivée.


Mais bon

Il y eut aussi des époques, me direz-vous,

où l’on écartelait en place de Grève

Devant des foules enthousiastes

Où l’on lynchait son prochain

Où la dénonciation du voisin était déjà commune

Mais je n’y étais pas.


Félix Leclerc

Quand les hommes vivront d’amour

Il n’y aura plus de misère

Les soldats seront troubadours

Mais nous, nous serons morts, mon frère


Qu’est-ce qui m’arrive ?

Me voilà sombrant dans le sentimentalisme !!!

Vos protestations seront les bienvenues.


Joyeuses fêtes !

22 septembre 2023

Petits sarcasmes de la rentrée




BAISER VOLÉ



J’ignorais faire partie de ces ignobles machos réacs et beaufs méprisant la gent féminine. Maintenant je sais. Claude Askolovitch, la pleureuse bien-pensante de France Inter et de 28 mn sur Arte, m’a ouvert les yeux : à l’occasion d’une chronique atrabilaire contre un Woody Allen autrefois adoré, il dénonce l’effroyable attentat à la personne dont s’est rendu coupable un entraîneur hispanique (par ailleurs très vulgaire, en fait) en volant une bise sur une bouche. Ce n’est pas le seul : les journalistes des grands médias se sont gargarisés de cet événement considérable pendant des jours. Il faut croire qu’il n’y avait aucune autre nouvelle fondamentale, comme les centaines de mort(e)s en Iran ou en Afghanistan, le noble combat de ces femmes admirables, ou encore… l’erreur d’arbitrage du dernier match de foutchebôl, je sais pas ? 

Ils ont d’ailleurs remis ça avec la main aux fesses d’une journaliste (BFM TV) : l’Espagne est une fois encore à la pointe du combat, réjouissons-nous. 

Heureusement que le Maroc et la Lybie se décarcassent pour donner un peu le change et faire parler d’autre chose.

J’adore les journalistes.





LA VIE DES MOTS



Cahier d'écolière de 1909 (collection personnelle)


Les lingouistes atterrés.

Les lingouistes atterrés m’atterrent. Ils viennent de publier une sorte de manifeste depuis leur saussurienne olympe, non prescriptive mais un peu quand même : "Le français se porte bien, merci."


Le globiche

Ils disent : « l’anglais ne remplace pas le français, c’est la langue qui évolue ». 

Non rien : I’m laughin’. D’autant que les calculs sur la francophonie dans le monde sont contestés. D’ailleurs who cares ?

🤣🤣🤣


Revenons au mot spoiler, qui est la coqueluche des animateurs branchés, avec « divulgâcher », qui serait une invention so géniale !!!. Ils disent : spoiler c’est français parce que on a mis er à la fin, donc c’est francisé.  Ben oui, pourquoi pas?  Mais ils disent aussi qu’il n’y a pas d’équivalent. Heu ! Mais divulguer, déflorer, révéler, dévoiler, déflorer, c’est du poulet ? (sujet déjà amplement traité dans des chroniques précédentes)


Vous trouvez que je me répète ? Je viens de relire mes vieux posts : vous avez raison. J’ai l’impression que tout le monde passe sa vie à se répéter. J’ai l’impression que tout le monde passe sa vie à se répéter. J’ai l’impression que tout le monde passe sa vie à se répéter. N’est-il ?


Les ajouts

Ils disent : il faut considérer les langages sms, par exemple, ou les divers dialectes des « quartiers », comme des enrichissements. Là-dessus aucun souci, au contraire, il y a des inventions magnifiques ! Mais c’est précisément parce qu’ils sont inventifs, décalés, drôles et poétiques, qu’ils sont savoureux ! Si la norme que les Atterrés dénoncent par peur d’un académisme figé n’existe plus, ironie, jeux sur les mots, poésie, subtilités maîtrisées n’existent plus ! C’est un paradoxe utile.


Molière

Ils disent : « Le français, c’est pas la langue de Molière ». Mais qui prétend encore que ça l’est ? Beaucoup ne savent même pas qui c’est… 

Ils disent : « Faut pas croire que les soldats de 14-18 écrivaient un français parfait. Il y avait beaucoup de fautes. » Tout n’était pas parfait, c’est vrai, mais pour en avoir consulté pas mal dans divers ouvrages (on en trouve aussi plein sur la toile), pour avoir eu entre les mains des dizaines de cahiers de l’école primaire de la première moitié du XXe siècle, je crois pouvoir contester férocement ce point de vue. Le niveau était bien supérieur à celui d’aujourd’hui. Voir illustration.

Ils disent : « Vous êtes déclinistes ». Sous-texte : « C’est nous qu’on défend le joyeux progrès moderne, après tout on est scientifiques, pisqu’on est lingouistes ! » (et un peu dans l’air du temps dit progressiste, quand même ! Mais chuuuut !)


Ortograf

Ils disent : « la langue est vivante, mais l’orthographe est figée ». Ils défendent les rectifications de 1990. Hum. Tant qu’à faire, pourquoi pas une modification encore plus radicale : l’alphabet phonétique international, et qui plus est, peut être utilisé par plein de langues ! Plus de fautes ! On y gagnera en rationalité ce qu'on perdra en pittoresque, en histoire ou en poésie…

(


Vous trouvez que je me répète ? Je viens de relire mes vieux posts : vous avez raison. J’ai l’impression que tout le monde passe sa vie à se répéter. J’ai l’impression que tout le monde passe sa vie à se répéter. J’ai l’impression que tout le monde passe sa vie à se répéter. N’est-il ?


Genre

Ils disent : « quand on dit les promeneurs, on ne pense pas aux promeneuses. Ah bon ? Moi qui suis été à l’école et qu’avons appris la convention du genre masculin, je vois les deux. Et même les non-binaires, c’est vous dire ! ». Bravo pour la féminisation de certains mots (notamment de métiers), mais à mon tour je refuse, as a male, d’être appelé une personne ou une victime, etc. ! (pour les mal-comprenants : c’est un joke !)


Vous trouvez que… ?


Nos chers enfants

Ils disent : c’est trop difficile, il faut simplifier (au lieu d’encourager on baisse le niveau, c’est moins fatigant mais c’est en vogue). Oui, apprendre le français c’est difficile. Mais le solfège aussi. Doit-on pour autant supprimer les dièses et les bémols ?




PUBS


Dans mon petit cabas ce mois-ci :


Vu sur mon écran super hd :

Une vieille dame qui dit « je vais faire pipi dans ma culotte », (j’espère qu’on verra bientôt quelqu’un caguer pour de vrai sur un chiotte pour vendre du pq bio !)

Une pub pour les tampons Nana avec la vraie couleur du vrai sang, (miam enfin-la-vérité-vraie !), qui me rappelle que je n’ai plus mes règles depuis longtemps ;

Des vendeurs poltrons et mielleux de literie italienne qui terminent par Et oilà


Heureusement il y a les pubs Carglass, réjouissantes, avec le ton maladroit de leurs vrais-faux employés qui finit dans l’aigu, une trouvaille géniale et qui commence à faire école (croyez-moi je suis dans la partie !). 

Hélas, je n’ai plus assez de pare-brise (1) à remplacer (je n’arrive pas à croire qu’il y ait autant de gravier sur les routes ?). Mais heu ! faudrait d’abord que j’achète une voiture.



SPORT


Le foot féminin maintenant ! Le rugby sous toutes les coutures ! Le foutchebôl encore et toujours !

Je cherche une solution pour n’être surtout pas présent au moment des Jeux Olympiques. Outre le grand bin’s que ça va générer à Paris (qui n’en peut déjà plus), je suis assez imperméable au sport-spectacle, en vérité. Et dès que je vois « Parcours sportif » dans le bois de Vincennes, où je me promène souvent, je… pars en courant. Ce qui est d’ailleurs très bon pour ma santé !

Je sais que je suis minoritaire sur le sujet. D’ailleurs, je suis minoritaire.




PRIORITÉ AUX PIÉTONS ET AUX CYCLISTES


Quand j’avais vingt balais, je me faisais un point d’honneur à laisser en bagnole la priorité aux piétons. Maintenant, j’ai envie de les écraser : comme ils ont la priorité, ils se jettent sous les roues des autos !

L’autre jour, à St-Mandé, un bus entier s’est arrêté pour me laisser passer alors que je ne demandais rien ! Il pouvait bien y avoir 12 personnes dans le bus, ou 36. Le mec il a bloqué la circulation et retardé un groupe pour un quidam. Il y a des logiques qui m’échappent. 

Quant aux cyclistes, n’en parlons pas ! J’ai commis récemment l’imprudence d’emprunter avec mon vieux vélocipède un morceau de piste cyclable entre St-Paul et Bastille, vers 19 h, rue de Rivoli. J’ai cru mourir de stress !



US ET COUTUMES


Je t’aime

Je suis d’un milieu (et probablement d’une génération) où on ne passait guère son temps à dire je t’aime en se lichant la pomme à tout bout de champ (vous noterez une formulation légèrement surannée qui pourrait faire frémir nos pimpants perdreaux de l’année !). Moins de séries américaines sentimentales dans les lucarnes encore étranges, sans doute ?  Ce qui ne nous empêchait nullement de nous aimer. Enfin je crois ?


Surtourisme



La multi-Joconde




Ils sont tous reviendus !

Au musée du Louvre, on a visité récemment la belle expo Capodimonte (le musée de Naples). Cohue ! Recommandé aux fans des grandes surfaces à Noël ou encore du métro à cinq heures tous les jours ! Ou à dix-neuf heures… ou même toute la journée, maintenant ! Il faut dire que la galerie principale mène à la salle de la Joconde… celle qui permet de visionner Mona Lisa en mille exemplaires sur les écrans de smartphones ! La tendance est aux foules et à l’agrégation en tous lieux : terrasses, portes des boutiques de luxe et même dans les queues devant les boulangeries, même les plus ordinaires. Dans un vieux cours d’angliche de la BBC, j’avais dans un dialogue : The English love forming queues… We are becoming Britons comme des dingues !


Création en panne



Edition 2006


Edition 2006


Donc : le Festival en 2006…


… et aujourd'hui

J’ai visité, dans les années nonante et zéro, les premières éditions du Festival des Jardins de Chaumont-sur-Loire. C’était le plus souvent une merveille de créativité, une explosion d’inventions magnifiques. C’est devenu depuis quelques années une collection assez banale de jardins de grand-mères (2), qui peut contenter les familles mais qui ne mérite vraiment plus le voyage ! Autant visiter le square du coin… Il faut dire que le thème soporifique bien pensant de cette année, par exemple, « le jardin résilient » n’est guère stimulant !

Ah ! Il y a tout de même encore quelques belles œuvres contemporaines exposées autour. Et le château. Et le cadre sublime. 

Mais je vous conseille plutôt une balade en montgolfière au-dessus de la Loire…




Shrinkflation

Shrinkflation, ça vous a quand même une autre gueule que Arnaque à la quantité, non ? Et puis ça permet à Nos-médias de se gargariser d’un concept up-to-date, n’est-il ?

Ça fait un bail que j’avais repéré l’astuce et que je regarde toujours le prix au kilo, obligatoire sur les étiquettes. 

A propos, je suis passé avant-hier au marché d’Aligre. Pour quelques euros, je suis revenu avec un cabas plein de légumes. C’était pas du bio, pour une fois, mais de toutes façons j’ai du mal à me déshabituer des ajouts chimiques ! J’ai même acheté une liquette chic à 12 €.

Il y a des marchés partout — tous ne sont pas moins chers que les grandes surfaces, mais si tu revends ton iPhone 32 et tes Air Force 1 tu pourras acheter des sardines, du maquereau, des carottes, des patates, des pommes, du riz et du poulet ! Et naturellement boycotter le plus possible les produits transformés bourrés de saloperies !

La conso responsable, ça s’apprend !


L’AVENIR EST DEVANT NOUS

(À CONDITION DE NE PAS SE RETOURNER, COMME DISAIT PIERRE DAC)


L’intelligence artificielle avance à grands pas. Avec pour l’instant son cortège d’algorithmes prudents et formatés… Mais cette invention considérable risque de bouleverser quantité de pratiques et de métiers ! Plutôt que de pleurer sur les chômeurs à venir, comment ne pas considérer que l’IA peut remettre en question fondamentalement nos façons de vivre ? Si cette robotisation nous délivre enfin des tâches fastidieuses, répétitives ou inutiles (journaliste au JT de France 2 ou sur Cnews, classeur de bigornos, compteur de pustules), joie joie pleurs de joie (comme disait Pascal, qui inventa la calculette) ! On pourra siffloter dans les prairies, dessiner pour le plaisir des arbres à cames ou des bielles de locomotives à vapeur, mijoter des mirotons et même soulever de la fonte dans les salles de torture pour culturistes masos ! Vive la chaise longue ou l’ascension du Monte Cinto en Corse (2706 m : je l’ai fait sans problème sur internet)… Après tout, le pilotage et la sécurité de nos avions sont déjà en grande partie automatiques !

En revanche, ne dites rien à mes congénères comédiens-voix qui flippent leur race en voyant le métier fondre comme neurones chez Sandrine Rousseau. Le combat est quasi perdu, hélas !

Et il faut bien constater qu’on trouve par exemple de moins en moins de fabricants de carosses, d’arbalétriers et d’allumeurs de réverbères.

Pareil pour les berlingiers, boisarts, jagots et ménétriers.


Mais le débat est ouvert, chers faux lovers !


POST-SCRIPTUM


Je viens de tenter une grande balade dans Paris. Même en scooter, je suis au bord de la crise de nerfs, j’ai envie de cramer l’Hôtel de Ville et de découper en rondelles les bureaucrates sadiques et merdeux qui ont dessiné ces gymkhanas imbéciles. Je vous raconte la prochaine fois ! 


Portez-vous bien !


–––––––

(1) : nouvelle ortograf 1990 : des pare-brises.

(2) : Nouvelle orthographe : avec deux s